ICEMAN (1984)

Une équipe de chercheurs découvre le corps d’un homme de Néanderthal parfaitement conservé dans la glace… et encore vivant !

ICEMAN

 

1984 – USA

 

Réalisé par Fred Schepisi

 

Avec Timothy Hutton, Lindsay Crouse, John Lone, Josef Sommer, David Strathairn, Philip Akin, Danny Glover, Amelia Hall, Richard Monette, James Tolkan

 

THEMA YÉTIS ET CHAÎNONS MANQUANTS I MÉDECINE EN FOLIE

C’est Norman Jewison, le vénérable réalisateur de Rollerball et L’Affaire Thomas Crown, qui envisageait au départ de réaliser Iceman, un projet amorcé au milieu des années 70. Mais ce dernier ne se concrétisera qu’une décennie plus tard. Si Jewison reste présent au générique en tant que producteur, il cède sa place de metteur en scène au moins prestigieux Fred Schepisi (le drame The Devil’s Playground, le thriller Jimmie Blacksmith, le western La Vengeance mexicaine). Natif de Melbourne et sensible aux rites tribaux des peuplades primitives, Schepisi voit dans Iceman la possibilité d’explorer la nature humaine sous un angle nouveau. Son intention est de s’appuyer sur un postulat de science-fiction pur pour mieux s’immerger dans une sorte de poésie métaphysique, une approche qu’annonce très tôt la bande originale de Bruce Smeaton, laissant la part belle à une flute asiatique ethnique et lyrique. L’entrée en matière du film, au cours de laquelle des chercheurs emmitouflés sous leurs tenues hivernales s’affairent autour d’un corps conservé dans un bloc de glace au beau milieu des étendues désertiques de l’Arctique, nous rappelle par bien des aspects le prologue de La Chose d’un autre monde et de son remake The Thing. Mais ce que les savants trouvent à l’intérieur n’a rien d’extra-terrestre.

À vrai dire, les prémices d’Iceman sont en tout point similaires à celles d’Hibernatus. Si ce n’est que l’homme qui repose encore intact dans la glace n’est pas vieux de 65 ans mais de 40 000 ans ! Dépêché sur place pour offrir son analyse de la situation, l’anthropologue Stanley Shephard (Timothy Hutton, futur écrivain tourmenté de La Part des ténèbres) est fasciné par cette découverte. Lorsque l’équipe de savants décongèle le corps pour pratiquer une autopsie, une surprise de taille les attend : les cellules de cet homme d’un autre âge sont encore vivantes. De fait, après plusieurs actes médicaux élaborés, le voilà qui revient à la vie. Logiquement paniqué lorsqu’il fait face à cette horde de scientifiques masqués aux allures de créatures extra-terrestres, le Néanderthalien s’apaise face au visage démasqué de Shephard qui s’approche de lui. Un lien s’établit ainsi très tôt entre eux. Ce rescapé de la préhistoire est bientôt installé dans un vivarium reproduisant tant bien que mal l’environnement naturel dans lequel il vivait. Mais que faire de lui à terme ? Le garder en captivité pour continuer à l’étudier ? Le lâcher dans la nature ? L’euthanasier ? Les questions morales sont innombrables et semblent insolubles…

Homo Hibernatus

Les 25 premières minutes d’Icerman abordent le sujet avec un maximum de réalisme scientifique. Les gestes des médecins, leur jargon, les instruments, les machines, le protocole de réanimation sont traités sous l’angle le plus naturaliste possible, avec une approche quasi-documentaire. Puis soudain les yeux s’écarquillent et les savants prononcent un « He’s alive ! » exalté qui nous ramène illico au mythe de Frankenstein. C’est alors qu’entrent en jeu les considérations philosophiques et éthiques, liées à cet être qui ne peut plus décemment être considéré comme un simple spécimen à décortiquer. La confrontation physique entre l’homme moderne et son lointain ancêtre, au cœur de cet écosystème sauvage reconstitué de toutes pièces, est un des moments forts du film. Timothy Hutton est parfait en savant non conformiste et exalté. Mais c’est surtout la performance de John Lone qui impressionne. Ses pantomimes, ses mimiques et ses cris rauques pourraient être ridicules. Ils sont au contraire confondants de vérisme, appuyés par le remarquable travail de maquillage de Michael Westmore. Ces hommes qui se font face se positionnent ouvertement comme les deux facettes d’une même espèce. Chacun s’observe, se jauge, s’étudie, détaille les différences et surtout les ressemblances (le look hirsute de Hutton facilitant bien sûr cet effet miroir). Quelques visages familiers (notamment James Tolkan, le futur Mr Strickman de Retour vers le futur, et un jeune Danny Glover avant La Couleur pourpre et L’Arme fatale) affleurent au détour du casting de cette fable fascinante qui s’achève de manière vertigineuse et atypique.

 

© Gilles Penso


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