PULSIONS CANNIBALES (1980)

Revenus du Vietnam, plusieurs vétérans ont contracté un virus qui les transforme en tueurs anthropophages…

APOCALYPSE DOMANI

 

1980 – ITALIE

 

Réalisé par Antonio Margheriti

 

Avec John Saxon, Elizabeth Turner, John Morghen, Cindy Hamilton, Tony King, Wallace Wilkinson, Ray Williams, May Heatherly, Joan Riordan

 

THEMA CANNIBALES

Le titre sous lequel Pulsions cannibales a été distribué à l’international, Cannibal Apocalypse, dit bien les intentions premières du film : tenter un mixage improbable entre Cannibal Holocaust et Apocalypse Now ! Effectivement, les premières minutes du métrage nous feraient presque croire à un film musclé sur la guerre du Vietnam, avec son lot d’explosions, de gunfights, de cascades et de pyrotechnie. Menée par le capitaine Norman Hopper (John Saxon), une escouade de soldats américains vient libérer des otages en plein territoire Viêt-Cong. Puis soudain nous basculons dans le gore. Une villageoise prend feu et tombe dans la cage de deux prisonniers qui entreprennent de la dévorer goulûment. Quand Hooper les libère, l’un d’eux le mord. Puis c’est le réveil en sursaut et la fin du flash-back. À vrai dire, la double influence de Francis Ford Coppola et Ruggero Deodato n’aura duré que le temps de ce prologue, le reste de l’intrigue se situant à Atlanta dans les années 80. Cet aspect est souligné par le titre choisi par les distributeurs américains : Cannibals in the Street. Le long-métrage du prolifique Antonio Margheriti (qui utilise son pseudonyme habituel d’Anthony Dawson) change alors de cap, oscillant entre le drame psychologique (avec les tourments de son héros en pleine période post-traumatique) et le polar musclé, s’illustrant avec une longue séquence d’assaut d’un vétéran armé d’un fusil qui tire sur tout ce qui bouge en s’enfermant dans un magasin mué en champ de bataille.

Le concept de Pulsions cannibales est surprenant : au Vietnam, en pleine tourmente, des soldats ont contracté un virus qui les rend anthropophages. Rien n’explique d’où vient ce fléau, le film s’intéressant plutôt à ses conséquences après le retour à la civilisation. Il y a dans cette idée une métaphore osée, bien qu’à peine effleurée : les vétérans revenus de cette guerre démoralisante sont devenus des parias sauvages en total décalage avec la société qu’ils ne parviennent plus à réintégrer, tous contaminés par le même mal insidieux et viscéral. C’est cet aspect du récit qui a séduit John Saxon, l’incitant à accepter la proposition de tenir le rôle principal du film. Mais la version du scénario qu’il a eu entre les mains était une mauvaise traduction en anglais du script italien, occultant la plupart des passages gore. En découvrant la véritable teneur du film pendant le tournage, le partenaire de Bruce Lee dans Opération Dragon a sérieusement déchanté, au point d’envisager plusieurs fois d’abandonner le plateau ! Heureusement, il n’en fit rien. Car l’un des aspects les plus intéressants de cette histoire est liée aux troubles de son personnage, s’inquiétant d’être frappé lui aussi de cannibalisme après avoir été agressé par l’un de ses camarades. Est-il en train de basculer vers la bestialité ? Pourquoi regarde-t-il avec fascination la viande crue dans le frigo ? Pourquoi s’est-il senti obligé de mordre sa jeune voisine ? Or ici, l’anthropophagie se communique par morsure, comme la rage ou comme la plupart des contaminations monstrueuses du cinéma fantastique : le vampirisme, la lycanthropie, la zombification…

Les dents de la guerre

Pulsions cannibales s’interroge brièvement sur les racines de l’épidémie lorsque l’épouse du héros affirme « je ne comprends pas comment un phénomène social comme le cannibalisme peut devenir une maladie contagieuse », ce à quoi son ami médecin répond : « par le biais d’une sorte de mutation biologique due à une altération psychique. » Mais le débat ne va pas plus loin. Au cours de son dernier acte, le film abandonne les dernières couches de sa respectabilité apparente pour virer au carnage, tous les mordus plantant leurs dents dans ceux qui passent à leur portée. Gianetto de Rossi, le maquilleur attitré de Lucio Fulci, peut alors se lâcher en concoctant quelques gros plans gore gratinés. Tout s’achève par la traque de ces guerriers affamés, sortes de Rambos cannibales maniant aussi bien les crocs que les armes à feu. La propension de Pulsions cannibales à passer d’un genre à l’autre se traduit par une bande originale hésitant entre l’influence des Goblins et d’Ennio Morricone. Mais il faut reconnaître que la mise en scène de Margheriti est solide, que le montage est souvent inventif (la chute d’une maquette d’avion s’enchaîne avec une photo d’explosion au Vietnam, un gros plan d’une fille qui crie se raccorde sur le son strident d’un métro) et que Pulsions cannibales parvient habilement à renouveler un sous-genre déjà surexploité en le déplaçant de la jungle sauvage jusque sur le bitume d’une cité moderne.

 

© Gilles Penso


Partagez cet article