ADAM ET ÈVE CONTRE LES CANNIBALES (1983)

Le premier couple de l’histoire du monde rencontre un ptérodactyle, des hommes-singes, un ours des cavernes et une tribu anthropophage…

ADAMO ED EVA, LA PRIMA STORIA D’AMORE

 

1983 – ITALIE / ESPAGNE

 

Réalisé par Enzo Doria et Luigi Russo

 

Avec Mark Gregory, Andrea Goldman, Angel Alcazar, Costantino Rossi, Pierangelo Pozzato, Vito Fornari, Liliana Gerace, Andrea Aureli

 

THEMA LA BIBLE I EXOTISME FANTASTIQUE I CANNIBALES

Surpris par le succès inattendu du culotté La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud, les spécialistes du cinéma bis italien s’empressèrent d’en produire des imitations fantaisistes comme Le Maître du monde, y ajoutant parfois des éléments empruntés à La Guerre des étoiles (Yor le chasseur du futur) ou à Conan le barbare (Ironmaster, la guerre du fer). Avec Adam et Eve contre les cannibales (quel titre !), on tente le tout pour le tout, mixant l’influence de La Guerre du feu avec celle du Lagon bleu et de Cannibal Holocaust, tout en prenant comme prétexte l’Ancien Testament. Il fallait oser ! À vrai dire, l’idée de porter à l’écran le mythe d’Adam et Ève titille le cinéma italien depuis la fin des années 70. Le projet passe dans les mains de Sergio Martino, puis Enzo G. Castellari et Joe d’Amato. Les scénarios sont écrits puis abandonnés, certains tournages sont même entamés, mais finalement cet Adam et Eve transalpin tourne court. Ce n’est qu’en 1983 que le film redémarre, confié cette fois-ci aux duettistes Enzo Doria et Luigi Russo, qui signent la réalisation sous les pseudonymes hollywoodiens de John Wilder et Vincent Green. Le résultat est un film parfaitement inclassable qui semble évoluer en roue libre, au fil des errances de ses deux personnages principaux.

Tout commence par des images d’archive d’éruptions volcaniques. Puis Adam émerge d’une sorte de cocon végétal, comme s’il était un extra-terrestre échappé de L’Invasion des profanateurs de sépultures. Le premier homme a pris les traits de Mark Gregory (le héros des Guerriers du Bronx). Tout nu, il se promène dans la forêt aux côtés de blanches colombes, d’un lion, d’un léopard, d’un perroquet, bref d’une petite ménagerie qu’il contemple candidement. Au bout de cinq minutes, notre bellâtre s’ennuie et se met à sculpter une femme dans le sable. Il s’avère plutôt doué puisque sa création prend les traits avenants d’Andrea Goldman, tandis qu’un slow romantique s’invite soudain dans la bande son. La chanteuse Tania Solnik susurre ainsi « My First Love » sans se soucier le moins du monde du caractère anachronique de cette ritournelle romantico-disco. Nos deux tourtereaux nudistes filent le grand amour, courent sur la plage, pataugent dans l’océan, font des papouilles aux bébés panthères, contemplent les flamants roses et rient sous les cascades. C’est beau. Mais voilà le vil serpent qui souffle à Ève l’envie de croquer dans la pomme. Ils y goûtent, et bien sûr c’est le drame. Un volcan emprunté à Un million d’années avant JC entre en éruption, un rocher géant tout droit sorti des Aventuriers de l’arche perdue (animé en stop-motion et très maladroitement rétro-projeté) fonce vers eux. C’en est donc fini du jardin d’Eden. Place à un paysage désormais rocailleux et désertique.

Moi Adam, toi Ève

La suite de l’aventure prend la plus improbable des tournures. Soudain conscients de leur nudité, Adam et Ève revêtent des peaux de bête et ressemblent alors au couple vedette du Tarzan de John Derek. Soudain, ils sont attaqués par un ptérodactyle ! En plan large, la bête est un nouvel « emprunt » à Un million d’années avant JC. Pour les gros plans, il s’agit d’un volatile mécanique au look de volaille volante contre lequel Mark Gregory essaie de se battre avec le plus de conviction possible. Puis notre couple croise des hommes-singes, une tribu primitive et des anthropophages hirsutes qui justifient comme ils peuvent le titre du film. Cette forêt antédiluvienne est donc une véritable foire d’empoigne, un fourre-tout aberrant qui pioche dans toutes les époques et dans tous les styles. La cerise sur le gâteau est l’attaque d’un ours des cavernes incarné par un acteur dans un costume rigide (qui ressemble beaucoup à celui du Hercule de Luigi Cozzi, sorti la même année). Un brin misogyne, le film laisse le beau rôle à Adam, Ève passant son temps à se plaindre, à prendre de mauvaises décisions ou à se faire capturer. Non contente d’être responsable du péché originel, elle se livre même au premier adultère de l’histoire de l’humanité avec un sauvageon chevelu aux allures de Francis Lalanne. Voilà donc un condensé de ce que le cinéma bis italien pouvait produire de plus fou et de plus invraisemblable dans les années 80. Un régal pour les amateurs de curiosités.

 

© Gilles Penso


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