FAUST (1926)

F.W. Murnau adapte avec panache la célèbre pièce de Goethe, mettant en scène un Méphisto particulièrement impressionnant…

FAUST, EINE DEUTSCHE VOLKSSAGE

 

1926 – ALLEMAGNE

 

Réalisé par F.W. Murnau

 

Avec Gösta Ekman, Emil Jannings, Camilla Horn, frida Richard, William Dieterle, Yvette Guilbert, Eric Barclay, Hanna Ralph

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

« Regarde : les portes des ténèbres se sont ouvertes et les malheurs de tous les peuples s’abattent sur la Terre… » C’est en ces termes que commence Faust, chef d’œuvre incontesté d’un Friedrich Wilhelm Murnau au sommet de son art. Joignant l’image au texte, le réalisateur de Nosferatu ose envahir l’écran d’une folle chevauchée macabre, Méphisto (Gösta Ekman) et ses cavaliers de l’apocalypse galopant sur leurs noires montures dans un ciel enfumé. Cornu, déployant de larges ailes de chauve-souris, ce diable qu’on croirait issu d’une gravure médiévale lance un défi au sévère archange qui stoppe sa course, drapé dans d’immenses élytres de plumes blanches : il corrompra le plus charitable des hommes, le vénérable alchimiste Faust (Emil Jannings), et prouvera ainsi que la Terre lui appartient. L’ombre gigantesque du malin s’étend alors sur la ville, tandis que la peste s’abat sur les habitants. Incapable de sauver ses prochains, Faust perd la foi et, dans un accès de désespoir, invoque le Seigneur des Ténèbres, en une de ces nuits brumeuses et photogéniques dont seuls les maîtres de l’expressionnisme allemand avaient le secret.

Méphisto fait alors son apparition sous des traits humains et rondouillards. Le contrat ensorcelé qu’il tend à Faust énonce : « Je renonce à Dieu et à ses milices terrestres. En échange, accorde-moi pouvoir et richesse ». L’alchimiste s’effraie, bien entendu, mais l’espoir d’endiguer le fléau guide son acte irrévocable : il signe le pacte de son sang. La spirale infernale s’active aussitôt. En l’espace d’une journée, Faust retrouve sa jeunesse perdue et conquiert le jour de son mariage la splendide duchesse de Parme. Grisé, il assouvit sans encombre tous ses fantasmes et, inévitablement, sombre peu à peu dans l’ennui d’un homme trop vite comblé. Mais de retour dans sa ville natale un dimanche de Pâques, il tombe éperdument amoureux de la prude Gretchen (interprétée par Camilla Horn après que Lilian Gish et Leni Riefenstahl aient postulé tour à tour pour le rôle)…

Les facéties du diable

La première moitié de Faust est un festival ininterrompu d’effets spéciaux époustouflants, mélange de trucages optiques à la Méliès, d’effets pyrotechniques virevoltants, de maquettes minutieuses et d’expositions multiples. Ainsi les facéties incendiaires du diable, son survol du monde sur une cape magique ou les nuées de volatiles démoniaques prennent-ils corps à l’écran avec une indéniable photogénie. La suite du récit délaisse quelque peu la magie au profit du mélodrame, reléguant Méphisto au rôle de faire-valoir comique, Faust à celui d’amoureux transi et Gretchen au statut de martyr pathétique. Le film ne perd pas pour autant sa force évocatrice, s’achevant sur une rédemption émouvante. Œuvre humaniste, magistrale, importante dans l’histoire du septième art, le Faust de Murnau est un complément idéal à la lecture de la pièce homonyme de Goethe, toutes deux inspirées de la même légende populaire allemande. Et l’on ne compte plus les cinéastes, de Walt Disney à Peter Jackson en passant par Akira Kurosawa, qui y puisèrent l’inspiration pour certaines séquences clefs de leurs propres films.

 

© Gilles Penso


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