THE GREEN INFERNO (2013)

Des jeunes activistes s’aventurent dans une jungle d’Amérique du Sud pour sauver une peuplade en péril… et finissent au menu d’une tribu cannibale !

THE GREEN INFERNO

 

2013 – USA

 

Réalisé par Eli Roth

 

Avec Lorenza Izzo, Ariel Levy, Daryl Sabara, Kirby Bliss Blanton, Magda Apanowicz, Sky Ferreira, Nicolas Martinez, Aaron Burns, Ignacia Allamand, Ramon Llao

 

THEMA CANNIBALES

Eli Roth positionne The Green Inferno comme l’ultime volet d’une trilogie « tribale » dont les deux autres opus seraient Cabin Fever et Hostel. Les trois films adoptent en effet une mécanique narrative commune : un groupe de jeunes (plus ou moins écervelés et antipathiques) quitte sa zone de confort pour s’aventurer sur un territoire totalement étranger et se retrouve plongé dans un cauchemar horrifique primaire – déclinaison gore de l’expression « choc des cultures » en quelque sorte. Le concept est intéressant mais il fixe aussi les limites du cinéma d’Eli Roth. En s’intéressant à des protagonistes ne suscitant guère d’empathie et auxquels il s’amuse à réserver un sort funeste, le réalisateur se contente souvent d’exercices de style distrayants aux enjeux dramatiques très limités. D’autant que notre homme a des difficultés à sortir de l’ombre de ses aînés, laissant l’influence de Sam Raimi (Cabin Fever), Takashi Miike (Hostel) ou Ruggero Deodato (The Green Inferno) contaminer ses films. Les hommages semblent sincères, certes, mais ne laissent guère affleurer la véritable personnalité d’un cinéaste se bornant trop souvent à jouer les « sales gosses » provocateurs.

L’entame de The Green Inferno parvient pourtant à nous captiver. Roth porte en effet un regard ambigu – et donc intéressant – sur un petit groupe d’activistes qui manifestent sur le campus de l’université Columbia de New York. Leur objectif : empêcher une entreprise pétrochimique de défricher une forêt d’Amérique du Sud et de déloger des tribus indigènes. C’est le charismatique Alejandro (Ariel Levy) qui mène ce combat d’une poigne de fer. En voyant ces manifestants de sa fenêtre, l’étudiante Justine (Lorenza Izzo), fille d’un éminent avocat travaillant pour les Nations Unies, est prise d’un sentiment de culpabilité. Pourquoi n’irait-elle pas les rejoindre, pour laisser une trace et donner un but à sa vie ? Il faut dire qu’elle n’est pas tout à fait insensible au charme ténébreux d’Alejandro. Justine se joint donc au groupe malgré quelques frictions et tous s’embarquent pour le Pérou. Mais rien ne va se passer comme prévu et la mission humanitaire va basculer dans le cauchemar…

Les dents de la jungle

Le film prend son temps pour révéler ses penchants horrifiques, laissant d’abord les spectateurs se familiariser – à défaut de s’y attacher – avec sa petite troupe de militants dont les motivations finissent par semer le doute. Sont-ils vraiment mus par un élan solidaire et une prise de conscience altruiste, ou ne vibrent-ils pas plutôt à l’idée de briller sur les réseaux sociaux avant de partir s’indigner pour une autre cause susceptible elle aussi de faire grand bruit ? Cette vision acerbe de l’activisme opportuniste est sans doute l’aspect le plus réjouissant du film, d’autant que la petite troupe devient à mi-parcours la victime de ceux qu’elle était censée protéger, autrement dit une tribu primitive aux forts penchants anthropophages. L’ironie du sort prend ici une tournure saignante. Gratinés et très réussis, les passages gore conçus par l’atelier KNB rendent bien sûr hommage aux « classiques » du genre (Cannibal Holocaust et Cannibal Ferox en tête) et s’assortissent de séquences de suspense haletantes. Mais le « méchant » qui tombe le masque en cours d’intrigue est trop caricatural pour convaincre, l’aspect « film d’aventure » voulu par Eli Roth (la fuite dans la jungle, le torrent déchaîné) n’a pas du tout l’ampleur souhaitée (même si la bande originale de Manuel Riveiro prend un caractère épique) et surtout le film ne raconte finalement pas grand-chose. Passée la salve « anti-twitteurs » du premier acte, l’intrigue se traîne maladroitement jusqu’à un dénouement bizarre où le comportement du dernier protagoniste se révèle parfaitement incompréhensible. Le bilan de The Green Inferno reste donc très mitigé. Eli Roth dirigera ensuite Lorenza Izzo (son épouse d’alors) dans le sulfureux Knock Knock.

 

© Gilles Penso


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