VIDOCQ (2001)

Le superviseur d’effets spéciaux visuels Pitof passe à la mise en scène pour une adaptation baroque et excessive des aventures du célèbre détective…

VIDOCQ

 

2001 – FRANCE

 

Réalisé par Pitof

 

Avec Gérard Depardieu, Guillaume Canet, Ines Sastre, André Dussollier, Edith Scob, Moussa Maaskri, Jean-Pierre Gros

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après avoir été superviseur d’effets spéciaux sur la plupart des grosses productions françaises des années 90 et 2000 (Les Visiteurs, La Cité des enfants perdus, Astérix et Obélix contre César), puis réalisateur de deuxième équipe sur l’Alien la résurrection de Jean-Pierre Jeunet, Pitof est passé à la mise en scène avec cet ambitieux Vidocq. L’idée de base consiste à s’éloigner de la célèbre série policière des années 60 pour plonger dans une atmosphère mystique émaillée de crimes étranges et de sorcellerie. Le fameux détective du titre, interprété par Gérard Depardieu, disparaît alors qu’il était sur le point d’arrêter un mystérieux assassin surnommé l’alchimiste. Etienne Boisset (Guillaume Canet), son jeune biographe, reprend alors son enquête… Avide d’expérimentations techniques, Pitof a opté pour un tournage en format HD et s’est mis en tête de reconstituer intégralement le Paris de 1830, à grand renfort d’effets numériques et de matte-paintings. Ces belles intentions sont hélas ruinées par une absence totale de finesse. La texture de l’image prend les allures d’une vidéo bas de gamme, les trucages sont extrêmement voyants, les faux cieux nuageux terriblement mal incrustés. Bref, l’audace visuelle s’est muée en patchwork grotesque et maladroit.

Plus problématique : ce refus en bloc de tout sens de la mesure s’étend au moindre aspect du film. Le casting opte systématiquement pour des « gueules » sans se soucier de la pertinence d’un tel choix, les comédiens surjouent avec une outrance risible, les cadrages privilégient les angles bizarres et les très gros plans sans justification, le montage est épileptique au point de manquer de lisibilité… La musique, omniprésente, a été confiée au talentueux Bruno Coulais, qui tente lui aussi les expériences hardies. « J’aime bien l’idée de traiter le 19ème siècle avec les sonorités d’aujourd’hui », nous confie-t-il. « Sans aller vers l’anachronisme total, un mélange de classicisme et de modernité peut être très intéressant » (1). D’où la guitare électrique pendant l’un des combats entre Vidocq et l’alchimiste.

Le miroir de la mort

Mais la partition de Vidocq est un joyeux fourre-tout, à l’image du film entier, mêlant les imitations manifestes de Danny Elfman, les extraits classiques épars ou encore les recyclages de l’incontournable « Mars » de Gustav Holst. Le problème, c’est que la musique, comme le reste, ne s’arrête jamais et ne s’offre aucun ralentissement, ne permettant donc à aucune dynamique (au sens propre) de se mettre en place. Du coup, l’ambition du film est tuée dans l’œuf, et c’est d’autant plus dommage que le scénario offrait des possibilités fascinantes et que la direction artistique de Marc Caro était des plus inventives, avec une mention spéciale pour le masque-miroir de l’alchimiste dans lequel ses victimes se voient mourir. Cet hommage direct à la caméra tueuse du Voyeur de Michael Powel est concrétisé à l’écran par les effets digitaux de McGuff Ligne sous la supervision de Rodolphe Chabrier. « Parfois, c’est pendant le tournage que viennent les idées de nouveaux outils numériques », nous explique ce dernier. « Il me paraît indispensable de toujours prendre en compte le réalisateur, les comédiens et les conditions de tournage » (2). Dommage que tous ces talents servent une œuvre aussi brouillonne.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2001

(2) Propos recueillis par votre serviteur en novembre 2009

 

© Gilles Penso


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