LA MARQUE DU VAMPIRE (1935)

Bela Lugosi reprend la cape et le teint blafard de Dracula pour une variante surprenante gorgée de mystère et d’épouvante…

MARK OF THE VAMPIRE

 

1935 – USA

 

Réalisé par Tod Browning

 

Avec Bela Lugosi, Lionel Atwill, Lionel Barrymore, Elizabeth Allan, Jean Hersholt, Carol Borland, Donald Meek, Holmes Herbert, Henry Wadsworth

 

THEMA VAMPIRES

Quatre ans après Dracula, Tod Browning et Bela Lugosi se retrouvent pour une nouvelle histoire de vampire d’un genre un peu différent, quittant Universal pour le studio MGM qui cherche lui aussi à capitaliser sur la vogue croissante de l’épouvante. Le scénario semble être une variante de celui de Londres après minuit, que Browning réalisa en 1927. Dans une contrée nimbée de superstitions ancestrales, Karell Borotyn (Holmes Herbert), riche propriétaire, est retrouvé assassiné, vidé de son sang, avec deux marques écarlates sur le cou. D’après le médecin du village, le docteur Doskil (Donald Meek), il s’agit de l’œuvre d’un vampire. Mais l’inspecteur Neumann (Lionel Atwill), envoyé de Prague, souhaite une explication plus rationnelle. Il commence à suspecter l’entourage de Karell, notamment Fedor Vincente (Henry Wadsworth), le fiancé de sa fille Irena (Elizabeth Allan), et son tuteur et exécuteur testamentaire. Les villageois rapprochent cette mort de celle d’un paysan, retrouvé dans un état similaire. D’après eux, le comte Mora et sa fille Luna, un couple de vampires, sont les coupables. Un an plus tard, le château est laissé à l’abandon…

La première apparition du couple de vampires est mémorable. Bela Lugosi, arborant la même allure que dans Dracula (avec en prime une tache de sang sur la tempe), et sa fille Luna (Carol Borland), ancêtre blafard de Morticia Adams et de Vampira, y traversent lentement un château empli de toiles d’araignées, d’insectes, de chauve-souris et de rongeurs, au son d’un vent murmurant sinistrement comme une voix humaine sépulcrale. Chacune des déambulations nocturnes de la femme vampire dans la forêt embrumée, drapée de blanc, le visage livide, est un grand moment d’épouvante gothique. Lorsque Fedor puis Irena sont agressés, on mande le professeur Zelin (Lionel Barrymore), une sorte d’émule de Van Helsing qui déclare : « L’homme n’a pas d’ennemis plus répugnants et implacables, dans le monde occulte, que ces morts-vivants sortis d’outre-tombe. » Il recommande aussitôt de suspendre des épineux pipistrelle aux fenêtres. Pour tirer l’affaire au clair, Neumann fait ouvrir le cercueil de Karell. Or son corps a disparu…

Les morts-vivants d’outre-tombe

La Marque du vampire est empli de visions saisissantes, comme celle du comte Mora et de Karell vampirisé qui errent dans les bois, ou encore Luna qui descend du plafond du château et atterrit au sol, sa robe prenant alors des allures d’ailes de chauve-souris. Tod Browning s’amuse de la frayeur de ses protagonistes, comme lorsqu’ils font face à une armure dont la visière bouge seule pour révéler la présence d’un chat. Dix minutes avant la fin, un twist monumental remet tout en question et rationnalise les aspects fantastiques du film. Mais nous ne sommes pas éloignés pour autant des thématiques chères à Browning, notamment le travestissement et la mascarade. Et bizarrement, cette chute n’ôte rien au caractère résolument fantasmagorique du film. La MGM prend ainsi l’Universal à son propre jeu, démontant ses mécanismes avec beaucoup de brio en empruntant justement quelques-unes des figures les plus importantes des « Universal Monsters » (Browning, Lugosi et Atwill en tête). L’imagerie de La Marque du vampire est tellement forte qu’elle sera amplement utilisée à travers les ans pour illustrer le mythe des suceurs de sang, bien plus que celle du Dracula original.

 

© Gilles Penso


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