LES ÂMES PERDUES (2000)

Winona Ryder se met en quête de l’antéchrist dans ce long-métrage esthétisant réalisé par le chef opérateur attitré de Steven Spielberg…

LOST SOULS

 

2000 – USA

 

Réalisé par Janusz Kaminski

 

Avec Winona Ryder, Ben Chaplin, John Hurt, Sarah Wynter, Philip Baker Hall, Elias Koteas, Brian Reddy, John Beasley, John Diehl

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Chef opérateur attitré de Steven Spielberg depuis La Liste de Schindler, Janusz Kaminski s’est vu proposer, pour sa première mise en scène, un thriller surnaturel lié au thème de l’antéchrist, sous la tutelle de Meg Ryan reconvertie en productrice. Sans doute Kaminski eut-il préféré un sujet plus en accord avec sa sensibilité, mais celui-ci présentait l’avantage de mettre en avant son savoir-faire technique. Winona Ryder incarne ici Maya, une ex-délinquante « sauvée » par sa foi en Dieu. Depuis, elle participe activement à certaines opérations spéciales de l’église catholique, notamment des séances d’exorcisme. Lors de l’une d’entre elles, pratiquée sur un dangereux psychopathe, elle apprend que Satan est sur le point de revenir sur terre sous une forme humaine. En décodant des messages chiffrés laissés par le possédé, Maya trouve le nom du malheureux élu : Peter Kelson. Or le paradoxe veut que ce dernier, auteur de best-sellers plaçant sous le feu des projecteurs diverses affaires criminelles, défende ardemment une thèse abolissant les notions de Bien et de Mal. Pour lui, en effet, ce sont les déséquilibres psychiques qui font pencher la balance, mais en aucune manière un manichéisme ancestral. Or ses convictions vont peu à peu voler en éclats lorsque Maya viendra lui faire part de sa terrible découverte…

Tel est le point de départ accrocheur de cette première œuvre. Film de chef opérateur oblige, Les Âmes perdues est une petite merveille visuelle, tirant parti d’une photographie somptueuse quasi-monochrome signée Mauro Fiore (auteur de la lumière du remake de Get Carter la même année) et d’une mise en scène élégante et stylisée. Autre atout majeur : un trio de comédiens extrêmement convaincants, dans les rôles pourtant délicats de la croyante prophétisant l’apocalypse (Winona Ryder), de l’antéchrist malgré lui (Ben Chaplin) et du prêtre traumatisé (John Hurt). Et pourtant, malgré cette conjonction de talents, Les Âmes perdues ne parvient guère à captiver bien longtemps son public. La faute en incombe à un scénario frileux, ne s’écartant jamais des sentiers tracés par L’Exorciste, Rosemary’s Baby ou La Malédiction, sans jamais oser aller aussi loin qu’eux.

Le retour de l’apocalypse

Les clichés d’usage s’alignent donc sagement (le pentacle, la croix à l’envers, le nombre 666), et malgré quelques efficaces séquences choc (les hallucinations de Maya dans la salle de bains soudain couverte de sang), le film ne décolle jamais vraiment. On finit donc par suivre sans passion ce récit apocalyptique aux forts relents de déjà-vu, jusqu’à un dénouement attendu qui ne prend pas vraiment parti. En oubliant de ménager de la place pour la surprise et l’étonnement, Janusz Kaminski a ainsi raté le coche, ce qui explique aisément pourquoi son premier film est passé plutôt inaperçu sur les écrans. Le choix de la date de sortie américaine des Âmes perdues fut d’ailleurs un véritable casse-tête pour les distributeurs, dans la mesure où des films aux thèmes voisins surchargeaient les écrans. On opta finalement pour le 13 octobre 2000 qui, ironiquement, fut la même date de sortie que la réédition de L’Exorciste de William Friedkin.

 

© Gilles Penso


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