AUDREY ROSE (1977)

Robert Wise filme les tourments d’une petite fille de douze ans qui pourrait bien être la réincarnation d’une enfant au destin funeste…

AUDREY ROSE

 

1977 – USA

 

Réalisé par Robert Wise

 

Avec Anthony Hopkins, Marsha Mason, John Beck, Susan Swift, Norman Lloyd, John Hillerman, Robert Walden, Philip Sterling

 

THEMA MORT

Audrey Rose aborde avec un maximum de sérieux et de réalisme un cas clinique de réincarnation. C’est là son atout majeur et son intérêt principal. Son metteur en scène Robert Wise, dont le talent et l’éclectisme surent jaillir tous azimut à partir des années 40 (Le Jour où la Terre s’arrêta, La Maison du diable, West Side Story, La Mélodie du bonheur), était alors en fin de carrière. Si l’on sent sa virtuosité un peu en retrait, comme s’il cherchait à effacer sa mise en scène derrière le sujet, Wise a encore de beaux restes. Mais Audrey Rose souffre surtout d’un trop-plein de dialogues saturant des séquences qu’on aurait aimé plus visuelles. L’auteur de ce script bavard, Frank de Felitta (qui allait écrire plus tard l’excellent scénario de L’Emprise), adapte ici son propre roman publié en 1975, lequel s’inspire d’une expérience que l’écrivain aurait réellement vécu au sein de sa propre famille. « Supposez qu’un étranger vous dise que votre fille était sa fille dans une autre vie ? Supposez que vous commencez à le croire ? Supposez que c’est vrai ? » C’est en ces termes prometteurs que l’affiche d’Audrey Rose aguichait avec efficacité un public intrigué, avec en guise de sous-titre : « née en 1959, morte en 1964, née en 1964 ». L’enfant star Brooke Shields, qui avait servi de modèle pour la couverture du livre, a logiquement postulé pour tenir le rôle principal d’Audrey Rose, mais c’est finalement Susan Swift qui fut sélectionnée.

La toute jeune actrice incarne donc Ivy Templeton, une petite fille de douze ans que sa mère (Marsha Mason) conduit régulièrement à l’école. Or un jour, celle-ci se rend compte qu’un homme guette l’enfant matin et soir. Cet homme, Elliot Hoover (Anthony Hopkins), est persuadé qu’Ivy est la réincarnation de sa fille Audrey Rose, morte brûlée vive onze ans auparavant dans un accident de voiture. De fait, Ivy, en pleine nuit, a régulièrement des crises au cours desquelles elle revit l’accident d’Audrey Rose. Hoover, qui guette toujours la petite fille, est le seul à pouvoir arrêter ces crises. Mais les parents refusent d’admettre la thèse de Hoover. Un soir, mû par l’énergie du désespoir, celui-ci enlève Ivy et s’enferme dans une chambre d’hôtel. La police intervient, les parents portent plainte et l’affaire se termine au tribunal. La première partie du film s’efforce donc de faire adhérer le spectateur et le couple Templeton à la thèse de la réincarnation, aidée par le jeu efficace d’Anthony Hopkins et par quelques séquences de cauchemars nocturnes d’Ivy, notamment celle où elle se brûle les mains contre la vitre de sa fenêtre, comme jadis le fit Audrey Rose, prisonnière d’une voiture en flammes. Pour renforcer le réalisme du film, Wise n’hésite pas à laisser les acteurs recourir à l’improvisation, dans l’espoir de saisir quelques bribes de naturalisme inattendues.

« Il n’y a pas de fin… »

La seconde partie d’Audrey Rose intègre les mécanismes codifiés du film de tribunal. Les Templeton s’y opposent à Hoover, à grands coups d’avocats, de témoins et de médecins. C’est au cours du dernier acte que la science reprend ses droits. L’état de santé d’Ivy empirant et le juge ne parvenant guère à trancher, on se résout en effet à une séance d’hypnose régressive, afin de déterminer une bonne fois pour toutes si Ivy fut Audrey Rose dans une vie antérieure. Cette ultime séquence, éprouvante, laisse protagonistes et spectateurs sur les rotules. Car si d‘aucuns considèrent la réincarnation comme la perspective pleine d’espoir de survie de l’âme à son enveloppe corporelle, le film, lui, en donne plutôt la vision d’un fardeau terrible. Certaines critiques de l’époque taxèrent Audrey Rose de plagiat de L’Exorciste, mais il s’agit d’un procès d’intention étant donnée l’indéniable différence d’approche stylistique entre les deux œuvres. En guise d’épilogue, le film reprend l’ultime citation du roman de De Felitta, empruntée au « Bhagavad-Gita » : « Il n’y a pas de fin. Pour l’âme, il n’y a jamais de naissance ni de mort. Et, ayant été une fois, elle ne cesse jamais d’être. Elle n’est pas née, elle est éternelle, immortelle et primordiale. »

 

© Gilles Penso


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