BARBAQUE (2021)

Pour son deuxième long-métrage en solo, l’acteur/réalisateur Fabrice Eboué concocte une « comédie romantique cannibale » !

BARBAQUE

 

2021 – FRANCE

 

Réalisé par Fabrice Éboué

 

Avec Fabrice Éboué, Marina Foïs, Lisa Do Couto Teixeira, Virginie Hocq, Jean-François Cayrey, Victor Meutelet, Stéphane Soo Mongo

 

THEMA CANNIBALES

Venu de la scène et du stand-up, Fabrice Eboué a gagné peu à peu ses galons de réalisateur en co-dirigeant d’abord Case départ et Le Crocodile du Botswanga, puis en signant seul la mise en scène de CoeXister. Pour son quatrième long-métrage, l’acteur/scénariste/réalisateur cherche comme toujours un sujet de comédie dans l’air du temps, en s’appuyant sur un thème sociétal susceptible de provoquer des scènes d’humour grinçant. L’inspiration lui vient d’un de ses propres sketches tournant en dérision les végétariens et les vegans. Son envie de mixer les codes de la comédie et de l’horreur, tout en cultivant un sens assumé de la provocation, lui vient en grande partie de C’est arrivé près de chez vous, qu’il découvre à l’adolescence et auquel il voue quasiment un culte. L’esprit du film choc de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde le guide donc dans l’écriture de Barbaque, élaboré en collaboration avec Vincent Solignac. La première idée consiste à suivre un groupe de vegans militants ayant décidé de commettre un attentat pendant le salon de l’agriculture. Mais le scénario change finalement de cap pour adopter le point de vue inverse, autrement dit celui d’un couple de bouchers dans la ligne de mire de vegans agressifs. Fabrice Eboué qualifie le résultat final de « comédie romantique cannibale ».

Sophie et Vincent Pascal (Marina Foïs et Pascal Eboué, qui pour l’occasion s’est relooké avec une épaisse moustache et une calvitie naissante) tiennent une petite boucherie artisanale dans le centre-ville de Melun. Tandis que Sophie tient la caisse, son mari découpe et bichonne la viande avec art et délicatesse. Mais la petite entreprise marche de moins en moins bien, tout comme la vie sexuelle du couple en plein déclin. Alors que la crise couve, un groupe de militants vegans affublés de masques d’animaux les agressent violemment dans leur boutique. Encore sous le choc, Sophie et Vincent déjeunent chez un couple d’amis détestables, beaufs, racistes et très fiers de la fortune qu’ils gagnent grâce à leur chaîne de boucherie industrielle (parfaitement incarnés par Jean-François Cayrey et Virginie Hocq). Sur le chemin du retour, Vincent reconnaît l’un de ses agresseurs et le percute en voiture, le tuant sur le coup. Que faire du corps ? Pour éviter toutes démêlées avec la police, ils le ramènent à la boucherie, Vincent le découpe et Sophie le vend par erreur aux clients, croyant qu’il s’agit d’un jambon. Or la clientèle apprécie tout particulièrement cette nouvelle viande…

Viande d’origine française

Fidèle à l’impertinence dont il s’est fait une marque de fabrique en tant qu’humoriste, Fabrice Eboué n’épargne personne. Les vegans, les carnivores, les Blancs, les Noirs, les musulmans, les racistes, les trans, les riches, les pauvres, les chasseurs, tout le monde en prend pour son grade. C’est réjouissant et délicieusement insolent, mais la démarche reste limitée dans la mesure où elle ne mène nulle part. En se contentant d’une moquerie tous azimuts, le réalisateur se prive d’un point de vue et d’une direction claire. Son scénario avance donc de manière erratique sans parvenir à nous passionner outre-mesure, au-delà de quelques gags ponctuels inattendus et d’une poignée de répliques bien senties. Le film n’est pas non plus aidé par sa facture anonyme, sa photographie sans éclat et sa mise en scène très fonctionnelle. Reste la direction d’acteurs, impeccable, et le numéro savoureux de Marina Foïs en épouse aigrie prête à oublier tout sens moral pour évacuer ses frustrations, à qui Eboué donne la réplique sous la défroque d’un époux pleutre et désespérément apathique. L’idée que ce dernier ne puisse retrouver sa virilité que grâce au meurtre n’est pas inintéressante, dans la mesure où elle ramène l’homme à ses instincts les plus primaires. L’une des meilleures trouvailles visuelles du film est d’ailleurs ce montage parallèle entre plusieurs documentaires animaliers décrivant des prédateurs en pleine action et le couple assassin assaillant bestialement ses victimes. L’équipe d’effets spéciaux de Jean-Christophe Spadaccini se met au diapason, concoctant pour les besoins du film bon nombre de faux membres hyperréalistes et quelques meurtres sanglants burlesques. Barbaque fait donc mouche en quelques occasions, mais nous sommes bien loin de l’effet dévastateur de C’est arrivé près de chez vous.

 

© Gilles Penso


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