MÉANDRE (2020)

Une jeune femme s’éveille dans un tube métallique étrange, revêtue d’une combinaison futuriste, face à une série de pièges mortels…

MÉANDRE

 

ANNEE – FRANCE

 

Réalisé par Mathieu Turi

 

Avec Gaia Weiss, Peter Franzén, Frédéric Franchitti, Romane Libert, Corneliu Dragomirescu, Eva Niewdanski, Carl Laforêt, Henri Bernard

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES I MORT

Après la bonne surprise d’Hostile, un premier long-métrage plein d’audaces narratives, visuelles et émotionnelles, Mathieu Turi décide de creuser un sillon voisin à travers un second exercice de style à mi-chemin entre la science-fiction et l’horreur. Méandre porte en germes plusieurs composantes de son film précédent, notamment une héroïne seule face à l’adversité dans un environnement hostile et la notion d’enfermement (déjà présente dans le court-métrage Broken). Pour évoquer la genèse de Méandre, le réalisateur cite plusieurs sources d’inspiration complémentaire et pas forcément conscientes au moment de l’écriture du scénario : l’une des scènes claustrophobiques du climax d’Aliens, The Descent, les jeux vidéo d’Hideo Kojima et bien sûr Cube (si ce n’est qu’ici nous avons affaire à un voyage intérieur solitaire, contrairement à la lutte intestine d’un petit groupe que décrivait Vincenzo Natali). On peut aussi penser à Buried, à la différence près que Méandre se définirait plutôt comme un « huis-clos en mouvement ». Car dans le cas présent, l’immobilité est synonyme de mort. Seule la projection (la fuite ?) en avant semble viable. Tourné en studio à la Courneuve pendant 33 jours sur un plateau de 1000 mètres carrés sans cesse reconfiguré pour accueillir de nouveaux décors, Méandre fait fi de ses faibles moyens pour affirmer une ambition et une virtuosité hors du commun.

Mieux vaut éviter de raconter Méandre pour préserver les surprises répétées que réserve son récit alambiqué. Nous nous contenterons donc de son point de départ. Lisa (Gaïa Weiss, visage récurrent de la série Vikings) erre seule dans la forêt hivernale. Une voiture s’arrête et accepte de la prendre en stop. Le chauffeur, Adam (Peter Franzén), est un peu froid mais plutôt sympathique, jusqu’à ce que l’autoradio ne diffuse une nouvelle très inquiétante à propos d’un tueur en série sévissant dans la région. Soudain c’est le black-out. Lorsque Lisa se réveille, c’est pour se retrouver engoncée dans une combinaison futuriste, une lampe/chronomètre au poignet, seule dans ce qui ressemble à un tube métallique étrange. Un terrible parcours du combattant l’attend…

Claustrophobie

Éprouvant, très inconfortable, incroyablement prenant, Méandre est une expérience cinématographique immersive unique en son genre, plongeant presque ses spectateurs en apnée tant la tension ne cesse de croître en même temps que l’espace se resserre. Certes, d’autres films ont su cultiver avec talent le motif de la claustrophobie (au-delà des exemples cités plus haut, on peut évoquer Exit de Rasmus Kloster Bro ou encore Oxygène d’Alexandre Aja), mais rarement la phobie fut poussée aussi loin, jusqu’à son point de non-retour. L’inventivité de la mise en scène, l’implication de Gaïa Weiss, le réalisme des décors, le travail pointilleux sur la lumière et l’impressionnant sound design se mettent au diapason pour évoquer tour à tour les terreurs les plus primaires : l’étouffement, l’écrasement, la noyade, l’embrasement, la mutilation, la dévoration, rien ne nous est épargné ! En filigrane de cette mise à l’épreuve impitoyable se dessine rapidement la métaphore de la volonté désespérée de survivre, malgré des obstacles d’apparence de plus en plus insurmontables.  L’acceptation du deuil, la lutte contre la dépression, la vie après la mort, la présence d’une puissance échappant à nos perceptions et replaçant l’humain à ses justes proportions dans l’univers, toutes ces thématiques s’entrechoquent, se superposent et s’entremêlent jusqu’à un final vertigineux ne donnant pas toutes les réponses mais laissant bon nombre de portes ouvertes. Mathieu Turi transforme ainsi l’essai d’Hostile et laisse augurer une suite de carrière passionnante.

 

© Gilles Penso


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