KNOCK AT THE CABIN (2023)

Le quinzième long-métrage de M. Night Shyamalan place une famille face à un dilemme dont l’issue est l’avenir de l’humanité…

KNOCK AT THE CABIN

 

2023 – USA

 

Réalisé par M. Night Shyamalan

 

Avec Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge, Nikki Amuka-Bird, Kristen Cui, Abby Quinn, Rupert Grint, M. Night Shyamalan

 

THEMA CATASTROPHES I SAGA M. NIGHT SHYAMALAN

Knock at the Cabin n’était pas destiné initialement à M. Night Shyamalan. Le scénario de Steve Desmond et Michael Sherman, adaptation du roman « The Cabin at the End of the World » de Paul Tremblay, fut acquis par la compagnie FilmNation avant même la publication du livre. Mais le réalisateur de Sixième sens tombe sur ce script et l’adore. Il en fait une affaire personnelle, y ajoute sa plume pour se le réapproprier et lance une co-production entre sa propre société Blinding Edge Pictures et Universal Pictures (pour qui il a déjà réalisé Old). Énigmatique, le récit prend d’abord la forme d’un « home invasion » oppressant avant de s’orienter vers quelque chose de beaucoup plus surprenant, jouant sans cesse le décalage entre un huis-clos avec une poignée de personnages et des conséquences extérieures à échelle planétaire. C’est une illustration inattendue de l’effet papillon, ramené sous un jour beaucoup plus mystique que scientifique. Voilà donc un sujet taillé sur mesure pour celui qui mit en scène Signes et Phénomènes. Dans le rôle clé de Leonard, l’homme par qui les événements se déclenchent, Shyamalan pense immédiatement à l’impressionnant Dave Bautista après avoir apprécié sa prestation dans le Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve. Le reste du casting est moins familier du grand public, à l’exception de Rupert Grint, le Ron de la saga Harry Potter, dans un contre-emploi savoureux de « chien fou » incapable de réfréner ses émotions.

Le film commence dans un cadre idyllique digne du jardin d’Eden, que Shyamalan filme pourtant avec une certaine étrangeté. Wren, une fillette asiatique (Kristen Cui), capture des sauterelles et les installe dans un bocal, en prenant bien soin de noter leurs caractéristiques dans son cahier. Bientôt, une silhouette imposante vient à sa rencontre. L’homme se veut rassurant, son regard est affable, mais sa carrure est celle d’un colosse. Il s’agit de Leonard, qui affirme ne rien vouloir d’autre que sympathiser avec la gamine. Wren, logiquement méfiante, répond qu’elle n’est pas autorisée à parler aux étrangers. Leonard comprend, mais il entame la conversation malgré tout. Et pendant qu’il parle, d’autres inconnus s’approchent, armés d’outils tranchants fort peu rassurants. Wren prend peur et s’enferme dans sa maison, rejointe par ses deux pères Eric (Jonathan Groff) et Andrew (Ben Aldridge). Tous trois s’inquiètent. Qui sont ces gens à l’extérieur ? Et pourquoi tiennent-ils tant à entrer chez eux ?

Apocalypse Now ?

Le cinéaste n’a pas choisi par hasard de commencer son film avec des sauterelles, symbole évident d’un fléau divin (elles représentent l’une des dix plaies d’Égypte) mais aussi métaphore du microcosme enfermé dans la cabane. Ces humains minuscules ne sont-ils pas eux aussi soigneusement étudiés par une force supérieure ? La question qui taraude assez vite le spectateur est somme toute assez simple : Shyamalan va-t-il réussir à tenir sur une idée aussi minimaliste pendant toute la durée du métrage ? Certes, des échappées sous forme de flash-backs s’intéressant à des épisodes importants de la vie d’Eric et Andrew permettent de sortir furtivement du huis-clos et de nous faire découvrir avec plus d’acuité leurs caractères respectifs et la force du lien qui les unit. Mais pour le reste, l’enfermement et la tension restent les maîtres mots. Or non seulement le réalisateur parvient à nous tenir en haleine, mais il va surtout jusqu’au bout de son concept, nous poussant sans cesse à nous positionner moralement par rapport à cette situation inédite. Sa mise en scène virtuose – et pourtant discrète – parvient à créer le malaise à partir des choses les plus banales, tandis que raisonne de manière obsessionnelle le mantra d’un des personnages : « Crois en quelque chose de plus grand que toi ». Nous ne sommes finalement pas loin des questionnements autour de la foi que développait Signes, avec à la clé une interrogation lancinante : les coïncidences existent-elles, ou tout est-il déjà déterminé à l’avance ? Passionnant et inconfortable, Knock at the Cabin ne pouvait évidemment pas plaire à tout le monde. Mais combien de films parviennent-ils encore autant à bousculer et à surprendre sans jamais emprunter les sentiers battus ?

 

© Gilles Penso


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