CASTLE FREAK (1995)

Stuart Gordon réunit les deux acteurs principaux de Re-Animator et From Beyond pour une nouvelle adaptation libre des écrits de Lovecraft…

CASTLE FREAK

 

1995 – USA

 

Réalisé par Stuart Gordon

 

Avec Jeffrey Combs, Barbara Crampton, Jonathan Fuller, Jessica Dollarhide, Massimo Sarchielli, Elisabeth Kaza, Lucia Zingaretti, Helen Stirling

 

THEMA FREAKS I TUEURS I SAGA CHARLES BAND

Stuart Gordon est un familier des productions Charles Band, puisqu’il réalisa sous le label Empire Re-Animator, From Beyond, Dolls, Robot Jox et Le Puits et le pendule. Un jour, alors qu’il rend visite à Band, Gordon remarque dans son bureau un poster énigmatique. Sous le titre Castle Freak, un dessin saisissant montre un homme difforme enchaîné à un mur et fouetté par une femme. Intrigué, le réalisateur souhaite en savoir plus. Band se contente de répondre qu’il s’agit d’un des nombreux posters qu’il a fait réaliser sans idée précise de scénario, juste pour pouvoir appâter d’éventuels investisseurs. C’est sa méthode de prédilection, qui s’est avérée payante par le passé. Les deux hommes passent alors un accord. Si Gordon souhaite réaliser ce film, il a carte blanche sur le scénario et sur le casting, dans la mesure où il garde le titre et donc l’idée d’un monstre dans un château. Charles Band, dont la compagnie Full Moon connaît alors quelques difficultés et qui vient de perdre le soutient de la Paramount, tient à limiter les frais. Le budget ne pourra donc pas dépasser les 500 000 dollars et la quasi-totalité du tournage devra se dérouler dans le château qu’il possède en Italie (et où Gordon tourna déjà Le Puits et le pendule). Le scénario, confié à Dennis Paoli, s’inspire très vaguement d’une nouvelle de H.P. Lovecraft, « Je suis d’ailleurs », et réunit les deux acteurs principaux de Re-Animator et From Beyond.

Après avoir hérité d’un château du XIIe siècle qui appartenait à une célèbre duchesse italienne, John Reilly (Jeffrey Combs) se rend en Italie pour le visiter avec sa femme Susan (Barbara Crampton) et leur fille adolescente Rebecca (Jessica Dollarhide). Le climat n’est pas au beau fixe entre les époux depuis la mort de leur fils cadet dans un accident de voiture qui a également rendu leur fille aveugle. John était au volant et possédait beaucoup d’alcool dans le sang. La tension dans leur couple est palpable et crédible, portée par le jeu intense de Combs et Crampton. Sur les conseils de leur exécuteur testamentaire (Massimo Sarchielli), ils décident de rester au château jusqu’à ce qu’ils puissent liquider la succession. Une gouvernante ayant jadis servi la duchesse, Agnese (Elisabeth Kaza), s’occupera d’eux. Mais la nuit, des bruits étranges résonnent dans les couloirs et Rebecca sent une présence dans sa chambre. Il leur faut bientôt se rendre à l’évidence : quelqu’un ou quelque chose rôde dans le château…

La bête dans le château

Le climat de malaise qui s’installe dès les premières minutes du film, accentué par la musique à base de violons dissonants écrite par Richard Band, montre la volonté de Stuart Gordon de s’éloigner de l’horreur burlesque qui émaillait ses précédentes adaptations de Lovecraft. De fait, Castle Freak possède une gravité inhabituelle de la part des productions Full Moon. « C’est probablement le film le plus macabre et le plus perturbant que j’ai pu produire », confirme Charles Band. « Mais l’ambiance dans laquelle nous l’avons tourné était exactement à l’opposé : un délice complet du début à la fin. » (1) Il faut dire que le réalisateur, le producteur et les acteurs principaux se connaissent bien, liés depuis de nombreuses années par une amitié solide. Band avait d’ailleurs lui-même dirigé Combs et Crampton pour une autre adaptation de Lovecraft, le segment The Evil Clergyman du film à sketches Pulse Pounders. Très inspiré, Gordon exploite au maximum de son potentiel le décor naturel du château que Band met à sa disposition. Quant au monstre qui sévit dans la cave, il nous effraie autant qu’il nous apitoie. La scène de son évasion, traitée partiellement en caméra subjective, procure un sentiment d’identification qui se rapproche du texte de Lovecraft. Gordon se réfère d’ailleurs directement à « Je suis d’ailleurs » à travers le passage furtif où la créature découvre son reflet dans le miroir. Mais pour le reste, le scénario de Paoli n’entretient que peu de rapport avec la nouvelle originale. Lorsque le film bascule soudain dans le gore, c’est dans un registre glauque, sanglant et cru tout à fait déstabilisant. Les auteurs de ces maquillages – et du faciès horriblement difforme du « freak » – sont les talentueux John Vulich et Mike Measmer, de l’atelier Optic Nerve. Tous les artistes au service de Castle Freak se sont ainsi donné le mot pour faire du film une expérience éprouvante et presque douloureuse, que Charles Band ne pourra hélas distribuer qu’en vidéo et de manière discrète. Le dixième long-métrage de Stuart Gordon aurait pourtant mérité d’être vécu sur grand écran.

 

(1) Extrait de l’autobiographie de Charles Band « Confessions of a Puppetmaster » (2021)

 

© Gilles Penso


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