CRAZY BEAR (2023)

Un grand ours noir des montagnes ingère des kilos de cocaïne largués par l’avion d’un trafiquant et se mue en monstre incontrôlable…

COCAINE BEAR

 

2023 – USA

 

Réalisé par Elizabeth Banks

 

Avec Keri Russell, O’Shea Jackson Jr., Alden Ehrenreich, Christian Convery, Brooklynn Prince, Isiah Whitlock Jr., Ray Liotta

 

THEMA MAMMIFÈRES

Aussi étrange que ça puisse paraître, Cocaine Bear (très bizarrement « traduit » Crazy Bear pour sa sortie en France) s’inspire de faits réels. En décembre 1985, le trafiquant de drogue Andrew C. Thornton, ancien agent de la brigade des stupéfiants ayant viré de bord, largue depuis son avion un sac de sport empli de cocaïne pour éviter de surcharger son appareil en difficulté. Il saute ensuite en plein vol mais son parachute ne s’ouvre pas et la chute est fatale. L’affaire se corse lorsqu’un ours noir de 80 kilos qui se promène tranquillement dans la forêt, au nord de la Georgie, tombe sur le sac de sport et en avale le contenu. Trois mois plus tard, la pauvre bête est retrouvée morte, manifestement suite à une overdose. Mais que ce serait-il passé si l’ours avait survécu à son ingestion de cocaïne au point de devenir accro ? Tel est le postulat du scénario de Cocaine Bear écrit par Jimmy Warden (The Babysitter : Killer Queen). La réalisation du film est confiée à Elizabeth Banks, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle. Si les fantasticophiles apprécient depuis longtemps cette actrice versatile (elle était notamment la Betty Brant de la trilogie Spider-Man de Sam Raimi, l’héroïne de Horribilis ou encore l’Elfie Trinket de la saga Hunger Games), ses travaux de mise en scène se limitent jusqu’alors aux très dispensables Pitch Perfect 2 et Charlie’s Angels version 2019. Cocaine Bear lui permettra-t-il de passer à la vitesse supérieure ?

Le scénario de Cocaine Bear (ou Crazy Bear pour les francophones, donc) commence exactement comme le fait réel sur lequel il s’appuie mais bifurque ensuite rapidement vers la fiction la plus débridée, empruntant dès lors ses codes au survival, au film d’horreur, à la comédie et au thriller. Car dans cette forêt où rôde un énorme plantigrade devenu fou, accro et très agressif suite à une trop forte ingestion de cocaïne se retrouvent pêle-mêle des randonneurs, des enfants qui font l’école buissonnière, des gardes forestiers, des secouristes, des délinquants à la dérive, des policiers et des trafiquants bien décidés à remettre la main sur la cocaïne égarée dans les bois (dont le chef est incarné par Ray Liotta, qui connaissait déjà des petits soucis avec la poudre blanche dans Les Affranchis). Une fois cette petite bande hétéroclite savamment éparpillée dans la nature, le jeu de massacre peut tranquillement commencer.

La poudre aux yeux

On le voit, Crazy Bear recelait un formidable potentiel. Malheureusement, Elizabeth Banks ne parvient pas à trouver le ton juste. Les traits d’humour, les personnages exubérants et les gags visuels sont souvent appuyés sans finesse, dans l’espoir manifeste de muer le film en œuvre culte. Mais la démarche est trop artificielle, trop voyante. Tous ces coups de coude adressés au spectateur, avec ce qu’il faut d’éléments politiquement incorrects pour afficher de l’impertinence, semblent finalement bien dérisoires. Les séquences de suspense et d’épouvante elles-mêmes peinent à susciter le moindre frisson, malgré la qualité des effets visuels (l’ours numérique de Weta est une formidable réussite) et le recours à une pincée de membres arrachés et de tripes à l’air pour faire bonne mesure. « J’aime le gore », confesse Banks. « J’ai grandi avec Evil Dead. Le gore fait partie du plaisir de l’aventure. » (1) On ne peut pas lui en vouloir, tout comme on apprécie la démarche culottée d’une réalisatrice jouant des coudes pour s’imposer sur un terrain cinématographique généralement très masculin. On regrette d’autant plus les maladresses de cet ours sous coke qui avait pourtant tout pour nous plaire. Mais à force d’hésiter entre l’approche brutale de The Revenant et le grain de folie d’un Sharknado, Crazy Bear peine à convaincre. Le film est dédié à Ray Liotta, qui s’est éteint quelques mois après la fin du tournage.

 

(1) Extrait d’un entretien d’Elizabeth Banks avec Adam B. Vary publié dans le magazine Variety

 

© Gilles Penso


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