300 (2006)

Zack Snyder signe une adaptation brutale, graphique et sans concession du roman graphique de Frank Miller et Lynn Varley

300

2006 – USA

Réalisé par Zack Snyder

Avec Gerard Butler, Lena Headey, David Wenham, Dominic West, Vincent Regan, Michael Fassbender, Rodrigo Santoro

THEMA HEROIC FANTASY

Zack Snyder n’est plus à un défi près. Après son remake réussi de Zombie, il décide d’adapter « 300 », une BD de Frank Miller et Lynn Varley évoquant un épisode mémorable de l’antiquité grecque : la farouche résistance du roi Leonidas 1er et de ses trois cent guerriers spartiates contre les centaines de milliers de Perses dirigés par le conquérant Xerxès. Soucieux de restituer l’esprit et le graphisme du comic book, Snyder se plie aux mêmes méthodes que Roberto Rodriguez sur Sin City, autrement dit un tournage sur fond bleu et une profusion d’effets numérique. Malgré tout, le cinéaste évite le statisme inhérent aux cases d’une bande dessinée. Son film bouge, tremble, hurle avec une férocité et une bestialité qui s’imposent rapidement comme une véritable marque de fabrique.

Magnifiquement éclairé, savamment composé, chaque plan a les allures d’une peinture d’un autre âge soudain douée de vie. D’ailleurs, ces Spartiates sculptés comme des dieux antiques ne semblent-ils pas issus du pinceau d’un David ? A cette beauté formelle, Zack Snyder adjoint une violence physique quasi-surréaliste. Les membres voltigent, les têtes s’expulsent hors des cous, le sang jaillit de toutes parts, sans que rien ne semble pouvoir atténuer cette sauvagerie. On sent bien que le réalisateur connaît ses classiques, qu’Excalibur et Conan le barbare ne sont jamais très loin. Pour autant, 300 ne leur ressemble pas, revendiquant fièrement sa singularité de tous les instants. L’un des pièges du récit était la monotonie qu’aurait pu induire l’accumulation des scènes de batailles. Or, coupant court à tout effet répétitif, Snyder joue la carte du crescendo. Chaque combat est plus ardu, plus sanglant, plus complexe que le précédent.

« Ce soir nous dînons en Enfer ! »

Et si les premiers pugilats nous permettent d’apprécier le génie stratégique des Spartiates, maniant avec une adresse infinie leurs boucliers et leurs lances pour compenser la faiblesse de leurs effectifs, les dernières phases de la guerre basculent de plain-pied dans l’heroïc-fantasy la plus débridée. Car bientôt, les envahisseurs n’ont plus rien d’humain. Géant aux allures de Troll déchaîné, hideux démons masqués, éléphants titanesques, rhinocéros antédiluvien animent ainsi cette folle sarabande, tandis qu’à la cour du roi Xerxès, les femmes possédées se déhanchent lascivement autour d’un homme-bouc qui a tous les attributs du Diable. L’autre grand atout du film est son casting de premier choix, dominé par un Gerard Butler impérial. Le regard fou, le muscle saillant, il harangue ses troupes avec enthousiasme, criant dès l’aube « Spartiates, profitez de votre petit-déjeuner, parce que ce soir nous dînons en Enfer ! » Visiblement porté par l’ampleur du spectacle, le compositeur Tyler Bates s’en donne lui aussi à cœur joie. Empruntant ses chœurs au Carmina Burana dans les moments les plus épiques, entremêlant instrumentations ethniques et voix arabisantes lorsque la tragédie le réclame (dans la droite lignée des travaux de Hans Zimmer et Lisa Gerard sur Gladiator), il n’hésite pas à faire hurler des guitares électriques outrageusement anachroniques lors des combats les plus furieux et les plus spectaculaires du film. 300 se vit plus qu’il ne se regarde, et cette expérience sensitive inédite s’avère des plus réjouissantes.

 

© Gilles Penso  

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