THE LAST WILL AND TESTAMENT OF ROSALIND LEIGH (2012)

Un seul comédien, un seul décor, il n'en faut pas plus au réalisateur Rodrigo Gudiño pour créer une atmosphère particulièrement pesante…

THE LAST WILL AND TESTAMENT OF ROSALIND LEIGH

2012 – CANADA

Réalisé par Rodrigo Gudiño

Avec Aaron Poole, Vanessa Redgrave, Julian Richings, Stephen Eric McIntyre, Charlotte Sullivan, Mitch Markowitz

THEMA DIABLE ET DEMONS

Sur le motif connu de la maison hantée, The Last Will and Testament of Rosalind Leigh parvient à prendre ses spectateurs par surprise en leur offrant un spectacle inattendu et résolument original. Féru de partis pris artistiques radicaux, le réalisateur Rodrigo Gudiño, fondateur du fameux magazine « Rue Morgue », décide de ne mettre en scène qu’un seul comédien dans un décor unique. Pour le moins osé, ce choix aurait pu donner lieu à film extrêmement statique et théâtral. Or il n’en est rien. Rosalind Leigh puise au contraire toute sa force dans sa compréhension et son exploitation du langage cinématographique pur. Le personnage central de ce récit pesant est Leon (Aaron Poole), qui retourne dans la maison de son enfance après avoir appris la mort de sa mère (Vanessa Redgrave), une femme bigote dont il s’était peu à peu éloigné jusqu’à couper les liens avec elle. Digne d’un de ces cabinets de curiosités dont raffole Guillermo del Toro, la vaste demeure est à la fois belle et hideuse, emplie de reliques propres à semer le trouble : marionnettes, statues, animaux empaillés, costumes, armes, poupées, accessoires appartenant à toutes les époques, et surtout une infinité d’objets religieux liés à un christianisme excessif aux allures de culte païen et folklorique.

Gudiño filme cette étrange maison avec une délectation communicative, laissant durer indéfiniment des travellings qui ignorent superbement le rythme traditionnel des films d’horreur modernes et soignant à l’extrême la photogénie de son film, à contre-courant de la mode envahissante du « found footage » qui privilégie le sursaut immédiat aux dépends de l’angoisse insidieuse et progressive. Ce sens de l’élégance et de la photogénie apparaît dès le générique du film, qui révèle progressivement un embryon en train de flotter. L’inquiétude s’immisce donc en douceur, amorcée par la présence d’inscriptions insolites sur les murs (« Si tu fais tomber un couteau par terre, un homme te rendra visite. Si c’est une cuiller ce sera une femme. Si c’est une fourchette, ce ne sera ni un homme ni une femme »). La Maison du Diable de Robert Wise, modèle ultime d’épouvante suggestive et non démonstrative, semble être l’une des sources d’inspiration majeures de Rosalind Leigh, à travers ses jeux habiles sur la bande son et le hors-champ.

La frayeur monte d'un cran…

Gudiño parvient à nous effrayer avec une statuette de vierge qui semble se déplacer, un grognement dans l’ombre, un escalier en colimaçon qui mène vers une pièce mystérieuse, un enregistrement vidéo troublant… Lorsque quelqu’un – ou quelque chose – pénètre finalement dans la maison vénérable, la frayeur monte soudain d’un cran. Mais le cinéaste a l’intelligence de garder la demi-mesure, de ne pas franchir le pas qui ferait basculer son huis clos anxiogène dans le grand guignol. En conservant le voile de mystère nécessaire au bon fonctionnement de son intrigue, en laissant la monstruosité roder sur le pas de la porte sans l’exposer totalement – sauf le temps d’une séquence brève et éprouvante – Rodrigo Gudiño tutoie la terreur viscérale en lui donnant les allures d’un cauchemar envoûtant et durable.

 

© Gilles Penso

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