PHANTOM OF THE PARADISE (1974)

Brian de Palma réinvente avec panache le Fantôme de l'Opéra, le mythe de Faust et le Portrait de Dorian Gray

PHANTOM OF THE PARADISE

1974 – USA

Réalisé par Brian de Palma

Avec Paul Williams, William Finley, Jessica Harper, George Memmoli, Gerrit Graham, Archie Hahn

THEMA SUPER-VILAINS

Inspiré en partie par une malheureuse expérience que vécut Brian de Palma sur le tournage de son film Get to Know your Rabbit en 1972, dont il fut renvoyé par les cadres de la Warner et qui fut achevé et monté sans lui, Phantom of the Paradise permet au cinéaste de dresser un portrait au vitriol du monde du show business. Le personnage central est le puissant producteur musical Swan, incarné avec panache par Paul Williams qui écrit également toutes les chansons du film. Dénué du moindre scrupule, Swan dérobe l’œuvre du compositeur Winslow Leach (William Finley) et le fait emprisonner à Sing Sing, où le malheureux participe malgré lui à un programme médical qui le prive de toutes ses dents. Fou de rage, il s’évade et s’introduit dans la maison de disque de Swan avec la ferme intention de tout saboter. Mais il se retrouve coincé et broyé dans la presse à disques. Le visage défiguré, la voix brisée, il se précipite dans l’East River. C’est la fin de son chemin de croix. Sa « résurrection » (la reconstruction de son corps, de sa voix et de son œuvre) est symbolisée par le choix du nom de l’héroïne du film : la chanteuse Phoenix (Jessica Harper). En entendant sa voix, Winslow sait qu’elle sera la seule à pouvoir incarner son œuvre. Il erre alors dans les coulisses du « Paradise », se faufile dans la pièce des costumes et adopte son nouveau look : une combinaison noire, une cape et un masque argenté de rapace. 

Non content de réinventer « Le Fantôme de l’Opéra » en l’intégrant dans l’univers de la musique pop, De Palma détourne le mythe de « Faust » qui devient le motif central de la seconde partie du film, mais aussi celui du « Portrait de Dorian Gray ». Cette fusion des grands mythes fantastiques littéraires, à laquelle il faut ajouter des allusions directes à Dracula et à Frankenstein, trouve son écho dans le mélange des techniques de mise en scène que Brian de Palma adopte. Tout se passe comme si Phantom of the Paradise était déjà une œuvre somme, adaptant chacun de ses effets de style aux besoins de la dramaturgie : traveling circulaire vertigineux autour de Winslow qui chante et joue du piano, plan-séquence en caméra subjective où Leach s’immisce dans les coulisses pour dénicher sa panoplie, séquence virtuose en split-screen où l’on voit simultanément un groupe de pop sur scène et une voiture dans laquelle le Fantôme a placé une bombe, effets burlesques accélérés, etc.

Plans-séquence, split-screens et clins d'œil à Hitchcock

De Palma pousse l’exercice jusqu’à se moquer de lui-même et de ses habituelles inspirations hitchcockiennes en parodiant brièvement la scène de la douche de Psychose, une ventouse remplaçant le couteau de cuisine, et en clignant de l’œil vers L’Homme qui en savait trop au moment où un tireur embusqué s’apprête à tuer Phoenix pendant le spectacle. Le réalisateur utilise aussi sans retenue le grand angle déformant pour muer ses protagonistes en caricatures grimaçantes et même certains artéfacts du cinéma muet au sein de plusieurs scènes sans dialogues.  Au moment de sa sortie, Phantom of the Paradise décontenance le public et ne fait pas d’éclat au box-office. Ce n’est qu’au fil des ans qu’il se mue en œuvre culte adulée sur les cinq continents, remportant au passage le Grand Prix du Festival du Film Fantastique d’Avoriaz.

 

© Gilles Penso

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