DIDIER (1997)

Pour sa première réalisation, Alain Chabat se transforme en chien sous les yeux désabusés de Jean-Pierre Bacri

DIDIER

1997 – FRANCE

Réalisé par Alain Chabat

Avec Alain Chabat, Jean-Pierre Bacri, Isabelle Gélinas, Caroline Cellier, Lionel Abelanski, Chantal Lauby, Josiane Balasko

THEMA MAMMIFÈRES

Premier film d’Alain Chabat après treize ans de télévision et un long-métrage collectif avec ses comparses les Nuls, Didier combine les deux passions de son auteur : la comédie burlesque et le fantastique. « Au départ, j’avais une idée de sketch pour les Nuls, avec un homme qui avait été chien dans une vie antérieure et qui en gardait quelques traces », explique Chabat. « Puis je suis parti de l’idée inverse, c’est-à-dire un chien qui se transforme en homme. Je me suis dit qu’il y avait là matière à un petit court-métrage, et c’est Dominique Farrugia qui m’a convaincu d’en faire un long. » (1) Le scénario raconte donc la métamorphose inexpliquée d’un labrador baptisé Didier en être humain. Rien ne justifie cette transformation aberrante, si ce n’est une étrange lumière bleue venue du ciel au beau milieu de la nuit. Or Didier est provisoirement hébergé par Jean-Pierre (Bacri), manager d’une équipe de foot du sud de la France. Celui-ci a d’autres chats à fouetter, notamment la blessure soudaine d’un de ses joueurs qui risque de lui faire perdre un match décisif et de s’attirer les foudres d’un financier mafieux. De fait, lorsque Didier prend une apparence humaine sans pour autant perdre son comportement de chien, Jean-Pierre est dépassé par les événements. Passée la surprise, il découvre un détail peu négligeable : Didier rapporte très bien la baballe, à tel point qu’avec un peu d’entraînement, on pourrait en faire un joueur de foot exceptionnel… 

Si Didier fonctionne si bien, ce n’est pas tant grâce à ce postulat de départ, pour le moins anecdotique, ni tellement via le comique de situation, finalement assez sous-exploité, mais bien par le biais des relations qui se tissent entre Jean-Pierre et Didier. Car Bacri, habitué à un registre bien plus réaliste, nous fait croire sans réserve à cet extravagant phénomène, par la justesse de son jeu et de ses réactions, et par les dialogues hilarants que l’ex-Nul lui a rédigés sur mesure. « Quand on embarque avec soi quelqu’un qu’on admire autant, on a envie de l’épater », raconte Chabat. « Jean-Pierre Bacri n’est pas quelqu’un qui s’embarrasse de formules et de politesse. S’il vous dit qu’il a rigolé en lisant le script, c’est vrai. » (2) Dans la peau d’un faux égoïste irascible, Bacri dote son personnage d’une humanité qui éloigne définitivement Didier du simple sketch mué en film, travers fréquent chez les comiques du petit écran passés à la réalisation. 

Le meilleur ami de l'homme

Chabat lui-même excelle dans le rôle du chien habitant un corps d’homme, témoignant d’une passion sans borne pour l’expression corporelle grotesque. Ses trottinements incessants, ses regards ahuris et sa propension à flairer l’arrière-train d’autrui déclenchent irrémédiablement le rire. Le climax du film est bien évidemment le match décisif au Parc des Princes, au cours duquel le réalisateur débutant s’amuse à multiplier les effets de style, prouvant une belle maîtrise du matériau filmique malgré des défauts inhérents à un premier long-métrage, notamment un rythme pas toujours soutenu et quelques gags qui passent mal le cap du grand écran. En guest-stars, on retrouve bien sûr Chantal Lauby et Dominique Farrugia, mais aussi Josiane Balasko, qui dirigera elle-même Chabat dans Gazon Maudit.


(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2007

 

© Gilles Penso

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