SIMONE (2002)

Fatigué par les sautes d’humeur de ses actrices, un réalisateur incarné par Al Pacino donne naissance à une comédienne virtuelle ultra-réaliste

SIMONE

 

2002 – USA

 

Réalisé par Andrew Niccol

 

Avec Al Pacino, Rachel Roberts, Benjamin Salisbury, Winona Ryder, Darnell Williams, Jim Rash, Ron Perkins, Jay Mohr

 

THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION  ROBOTS ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Passionné par les univers virtuels, les faux-semblants et les dérives technologiques, comme le prouvent les scénarios qu’il a écrits pour The Truman Show et Bienvenue à Gattaca, Andrew Niccol a décidé d’attaquer le sujet de front avec Simone. Son héros est Victor Taransky, interprété par Al Pacino, un réalisateur hollywoodien renommé qui se heurte quotidiennement aux sautes d’humeur de ses comédiennes, notamment celles de Nicola Anders (Winona Ryder). Après la rencontre d’un savant un peu fou qui lui confie un logiciel révolutionnaire avant de passer l’arme à gauche, Victor décide de franchir un pas décisif : créer de toutes pièces une actrice virtuelle et faire d’elle une star. Il la baptise Simone (contraction de « simulation one ») et le résultat dépasse toutes ses espérances, l’incitant à dire : « il est plus facile de tromper des centaines de personnes qu’une seule ». Comme tout apprenti sorcier qui se respecte, ce Pygmalion d’un nouveau genre perd ainsi le contrôle de sa Galatée numérique, qui déclare avec une inquiétante lucidité : « je suis la mort de la réalité… »

En 2002, ce film tombait à pic, car les acteurs en 3D commençaient à montrer le bout de leur nez avec une insistance croissante, à travers des œuvres telles que Final Fantasy ou Shrek. Le sujet, il faut l’avouer, est passionnant. Il avait d’ailleurs déjà été traité dès 1986 par Jérôme Diamant-Berger dans L’Unique, mais de fort maladroite manière. On attendait donc beaucoup de Simone, et la première partie du film est des plus prometteuses. Al Pacino cabotine juste ce qu’il faut, et le choix de Rachel Roberts dans le rôle de Simone relève du génie, car non seulement elle semble effectivement trop belle pour être vraie, mais en plus elle est inconnue du grand public. Son nom n’apparaît d’ailleurs pas au générique de début, comme pour entretenir le mystère, une technique héritée du Frankenstein de 1931. Le prénom du personnage principal, Victor, n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard.

La mort de la réalité

Poussant encore plus loin l’ambiguïté, le service de presse du film utilisa à l’époque le pseudonyme d’Anna Green et laissa planer le doute quant à l’utilisation d’une véritable actrice virtuelle. L’emploi d’un avatar numérique fut d’ailleurs sérieusement envisagé en cours de pré-production, et cette option fut moins écartée pour des raisons techniques que politiques. La très puissante Guilde des Acteurs s’y opposa en effet fermement, craignant que cet état de fait ne se généralise jusqu’à mettre en péril le statut des comédiens en chair et en os. La même année, le Spider-Man de Sam Raimi prouvait pourtant la cohabitation sans heurts entre acteurs réels et digitaux. Simone partait donc avec de nombreux atouts en poche. Hélas, au bout d’une grosse demi-heure, le scénario de Niccol fixe ses propres limites, et l’intrigue commence un peu à patiner, plaçant artificiellement des obstacles dans les pattes du protagoniste pour mieux les balayer au moment du dénouement. Ni franche comédie, ni réelle satire du cinéma et des médias, Simone manque un peu ses objectifs à force de trop chercher son style. Dommage, car les intentions étaient plus que louables. Dans un registre voisin, le Looker de Michael Crichton était finalement bien plus efficace.

 

© Gilles Penso

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