Un étudiant qui travaille de nuit dans un supermarché pour arrondir ses fins de mois découvre qu’il peut arrêter le temps…
CASHBACK
2007 – GB
Réalisé par Sean Ellis
Avec Sean Biggerstaff, Emilia Fox, Shaun Evans, Stuart Goodwin, Michael Dixon, Michael Lambourne, Marc Pickering, Keeley Hazell
THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS
Avant d’être un cinéaste, Sean Ellis fut un talentueux photographe de mode, et son premier long-métrage Cashback peut tout à fait s’interpréter comme un mariage heureux entre ces deux modes d’expression. L’instant fugitif capté par l’obturateur d’un appareil photo et le défilement du temps enregistré par une caméra s’y télescopent en effet au sein d’un scénario étrange imprégné d’éléments autobiographiques. Étudiant aux Beaux-Arts, Ben Willis (Sean Biggerstaff) connaît toutes les peines du monde à se remettre de sa rupture avec sa petite amie Suzy (Michelle Ryan). Devenu totalement insomniaque, il décide de rentabiliser les huit heures nocturnes qu’il passe à ne pas dormir en acceptant un travail de nuit dans un supermarché. Menés par un patron fat et imbu de sa personne, les collègues de Ben rivalisent d’ingéniosité pour tromper leur ennui pendant leurs interminables heures de travail. Les uns s’interdisent de regarder les aiguilles des montres, les autres inventent des jeux stupides ou s’adonnent à des sports extrêmes entre les rayons du supermarché. C’est alors que Ben se découvre un don insoupçonné : celui de pouvoir arrêter le temps.
Très sensible à la beauté féminine, il utilise cette capacité incroyable pour contempler en mode « pause » les plus belles clientes du supermarché. Il n’hésite d’ailleurs pas à les déshabiller afin de reproduire leurs courbes généreuses sous forme de magnifiques esquisses. N’importe quel autre mâle se serait probablement servi de ce pouvoir pour assouvir ses plus vils instincts, mais Ben est un esthète, et le fait de pouvoir saisir à tout moment le caractère insaisissable de la beauté le comble de satisfaction. Bientôt, le jeune homme se laisse charmer par Sharon (Emilia Fox), la caissière du supermarché à laquelle il n’avait jusqu’alors prêté aucune attention, mais que ses « suspensions du temps » lui permettent de découvrir sous un nouveau jour…
Arrêt sur image
A mi-chemin entre la naïveté poétique d’un film de Michel Gondry et le raffinement ironique d’un American Beauty, Cashback est une œuvre résolument à part. A partir d’une idée pour le moins absurde, Sean Ellis parvient à tisser un récit enchanteur, alternant les séquences de comédie potaches et les moments d’intense beauté sans jamais perdre le fil de son propos, qu’on pourrait résumer en quelques mots : pour saisir la beauté du monde, il faut prendre la peine de s’arrêter pour le regarder. Nous ne saurons d’ailleurs jamais si le pouvoir de Ben est réel ou s’il n’est qu’une vue de l’esprit. Preuve que le réalisateur a de la suite dans les idées, Cashback fut d’abord un court-métrage de 18 minutes, réalisé en 2004 et maintes fois primé à travers le monde. La « version longue » que voici n’en est d’ailleurs pas une réadaptation mais plutôt une adjonction, dans la mesure où le court-métrage a été réutilisé dans son intégralité par Sean Ellis, lequel s’efforça ensuite d’y ajouter toute une série de nouvelles séquences, imaginées au cours d’une session marathon de sept jours d’écriture. Culotté, surprenant, bourré d’idées narratives et visuelles, Cashback est un véritable bol d’air frais et prouve une fois de plus l’incessante innovation du cinéma fantastique britannique.
© Gilles Penso
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