FAUSTO 5.0 (2001)

« La Damnation de Faust » revue et corrigée par un collectif de cinéastes espagnols qui ne reculent devant aucun tabou…

FAUSTO 5.0

 

2001 – ESPAGNE

 

Réalisé par Isidro Ortiz, Alex Ollé et Carlos Padrisa

 

Avec Miguel Angel Solá, Najwa Nimri, Raquel González, Eduard Fernández, Juan Fernández

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Énième variante moderne du mythe faustien, Fausto 5.0 est une initiative pour le moins atypique. Œuvre collective du réalisateur de pubs Isidro Ortiz et des membres de la troupe de théâtre expérimental La Fura del Baus, il clôt une trilogie amorcée avec la pièce « Faust 3.0 » et poursuivie sous la forme d’un opéra, « La Damnation de Faust ». Mais il n’est nullement nécessaire d’avoir assisté aux deux spectacles susnommés pour pouvoir appréhender ce long-métrage. Il suffit simplement d’être familier avec la légende imaginée par Gœthe, très librement réadaptée ici en un exercice surprenant qui évoque tour à tour les dessins d’Enki Bilal, les films de David Lynch, L’Echelle de Jacob ou encore La Secte sans Nom. Le vieillard Faust s’est ici mué en docteur Fausto, chirurgien spécialisé dans l’opération de patients en phase terminale. Cerné de toutes parts par la mort, il mène une vie triste et morose qui le pousse parfois à quelques accès suicidaires. Il échappe ainsi de peu à la mort sur le quai d’un train lancé à vive allure.

Lors d’une convention médicale qui se tient à Barcelone, Fausto est abordé par un homme étrange et bavard, Santos Vella, qui prétend avoir été l’un de ses patients, miraculeusement sauvé après une ablation de l’estomac. Fausto tente de se débarrasser de cet importun qui le rend mal à l’aise et dont il n’a gardé aucun souvenir. Mais Vella le suit partout, et lui promet qu’il est capable d’assouvir tous ses désirs, y compris les moins avouables. Peu à peu, le mortifère Fausto accepte de se laisser tenter, comme si les promesses de Vella étaient susceptibles de le « ramener à la vie »… Véritable merveille esthétique, combinant une direction artistique impeccable, des décors superbement sinistres (impossible d’y reconnaître la lumineuse et colorée Barcelone), une photographie glaciale, des effets spéciaux très inventifs et une bande son pointilleuse, Fausto 5.0 ne se soucie hélas pas autant du sens du détail quant à la caractérisation de ses personnages. Et si l’interprétation de Miguel Angel Sola (le taciturne Fausto) et Eduard Fernandez (le pétillant Vella, récipiendaire à cette occasion du prix Goya du meilleur interprète en 2002) est savoureuse, leur personnalité et leur psychologie n’évitent pas le piège de l’archétype sans réelle profondeur.

On repousse les limites…

Difficile, donc, de se sentir personnellement concerné par la descente aux enfers du bon docteur, et ce malgré une poignée de séquences choc qui repoussent les limites de ce qu’on ose traditionnellement montrer sur un écran de cinéma. Notamment le héros au ventre ouvert qui se fait dévorer les intestins par un chien affamé, ou la scène d’amour sur une table d’opération avec une fille qui ne doit pas avoir plus de douze ans ! Mais comme les objectifs narratifs et thématiques des auteurs du film demeurent flous, Fausto 5.0 finit par donner la sensation d’un bel objet un peu creux. Tous ces talents artistiques méritaient probablement de se mettre au service d’une meilleure construction dramatique. Malgré ses carences, Fausto 5.0 a raflé de nombreuses récompenses à travers le monde, notamment le Grand Prix du festival Fantastic’Arts de Gerardmer en hiver 2002.

 

© Gilles Penso

 

 

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