Nous sommes en 1980, en plein changement de décennie, et Jean Rollin prend alors une grave décision : abandonner provisoirement les vampires, l’épouvante classique et les petits villages de la France profonde pour s’inscrire dans un contexte urbain et flirter timidement avec la science-fiction. D’où La Nuit des traquées qui, hélas, ne ressort guère grandie de cette volonté de modernisme. Le film démarre sur une route de campagne nocturne, où deux jeunes filles dénudées courent à perdre haleine, fuyant un danger invisible. L’une d’entre elles, prénommée Elisabeth et interprétée par la peu pudique Brigitte Lahaie, est recueillie par Robert (Vincent Gardnère), un automobiliste ma foi fort sympathique. Après l’avoir ramenée dans son humble appartement et avoir longuement joué au docteur avec elle, comme dans un bon vieux téléfilm érotique du dimanche soir, le jeune homme découvre que son invitée surprise est parfaitement amnésique. Non seulement elle ne se souvient plus de son passé, mais en plus elle oublie tous les événements au fur et à mesure qu’ils se déroulent. « Nous appartenons à ce monde. Le seul qui existe. Le monde du moment présent », lui déclare-t-elle énigmatiquement, avant de lâcher, grave : « Tu es le seul souvenir que je possède. »