LA NUIT DES TRAQUÉES (1980)

Jean Rollin délaisse provisoirement ses femmes vampires pour conter les horreurs secrètes de pratiques médicales nébuleuses

LA NUIT DES TRAQUÉES

 

1980 – FRANCE

 

Réalisé par Jean Rollin

 

Avec Brigitte Lahaie, Vincent Gardnère, Dominique Journet, Bernard Papineau, Rachel Mhas

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I SAGA JEAN ROLLIN

Nous sommes en 1980, en plein changement de décennie, et Jean Rollin prend alors une grave décision : abandonner provisoirement les vampires, l’épouvante classique et les petits villages de la France profonde pour s’inscrire dans un contexte urbain et flirter timidement avec la science-fiction. D’où La Nuit des traquées qui, hélas, ne ressort guère grandie de cette volonté de modernisme. Le film démarre sur une route de campagne nocturne, où deux jeunes filles dénudées courent à perdre haleine, fuyant un danger invisible. L’une d’entre elles, prénommée Elisabeth et interprétée par la peu pudique Brigitte Lahaie, est recueillie par Robert (Vincent Gardnère), un automobiliste ma foi fort sympathique. Après l’avoir ramenée dans son humble appartement et avoir longuement joué au docteur avec elle, comme dans un bon vieux téléfilm érotique du dimanche soir, le jeune homme découvre que son invitée surprise est parfaitement amnésique. Non seulement elle ne se souvient plus de son passé, mais en plus elle oublie tous les événements au fur et à mesure qu’ils se déroulent. « Nous appartenons à ce monde. Le seul qui existe. Le monde du moment présent », lui déclare-t-elle énigmatiquement, avant de lâcher, grave : « Tu es le seul souvenir que je possède. »

Alors que son hôte la quitte quelques heures pour aller travailler, Elisabeth est récupérée par un étrange docteur et son infirmière qui la ramènent dans une tour froide et moderne, laquelle n’aurait guère dénoté dans le mythique Buffet froid de Bertrand Blier. Là, elle côtoie des hommes et des femmes qui, comme elle, n’ont plus de mémoire. Le mystère s’épaissit, mais les faiblesses traditionnelles des films de Rollin semblent ici exacerbées, à tel point que les rares idées intéressantes du scénario sont noyées sous un flot de médiocrité et d’amateurisme. Acteurs catastrophiques, dialogues stupides, mise en scène maladroite, montage évacuant toute tentative de rythme, photographie hideuse, La Nuit des traquées est un véritable catalogue de ce qu’il faut éviter si l’on souhaite captiver un tant soit peu l’attention d’un spectateur.

La fuite des cerveaux

C’est d’autant plus dommage que quelques petits bouts de scène laissent entrevoir l’énorme potentiel d’une telle intrigue, notamment lorsque des dizaines de « patients » quasi-zombifiés feuillettent des albums de famille ou se raccrochent les uns aux autres pour tenter de retrouver des bribes de souvenir, si infimes soient-elles. Comme si les souvenirs existaient dans un monde parallèle, une autre dimension. Rollin ne renonce guère à l’horreur graphique de ses premières œuvres, notamment avec cette image inlassablement répétée d’une jeune femme aux yeux transpercés par une paire de ciseaux chirurgicaux. Mais son ambition semble surtout être, comme toujours, de déshabiller la quasi-totalité de son casting féminin tout au long du film. Le fin mot de l’histoire laisse rêveur : tous ces amnésiques ont été victimes des fuites d’une centrale atomique, et le docteur qui les a pris en charge est en réalité chargé par le gouvernement de les euthanasier discrètement pour ne pas ébruiter l’accident nucléaire. Mouais… Finalement, on préfère encore tes femmes vampires, Jean.

 

© Gilles Penso

 

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