NOS AMIS LES TERRIENS (2007)

L’écrivain Bernard Werber passe derrière la caméra pour imaginer que des extra-terrestres épient nos moindres faits et gestes…

NOS AMIS LES TERRIENS

 

2007 – FRANCE

 

Réalisé par Bernard Werber

 

Avec Annelise Hesme, Audrey Dana, Thomas Le Douarec, Boris Ventura, Sellig, et la voix de Pierre Arditi

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Nos amis les Terriens est l’aboutissement d’un projet amorcé par Bernard Werber en 1992. Après deux nouvelles, un court-métrage et une pièce de théâtre abordant tous la même thématique, le romancier réalise enfin son rêve : en tirer un long-métrage que Claude Lelouch accepte de produire. « Quand Claude Lelouch a vu le court-métrage, ça l’a beaucoup fait rire et il m’a proposé immédiatement d’en faire un film », raconte Werber. « Il a respecté sa parole, avec d’autant plus de mérite que personne ne nous a suivi sur ce coup-là. Il a donc porté le projet tout seul, à bout de bras, en étant particulièrement respectueux de mon travail. Il m’a dit : « je te laisse faire tes erreurs, parce que c’est ce qui va créer ton style » (1). Il est difficile de ne pas adhérer d’emblée au concept du film, tant l’idée en est séduisante et la mise en forme distractive. Les premières minutes (des images de synthèse réalisées par l’équipe de Buf) nous transportent dans l’espace, tandis que la voix de Pierre Arditi nous annonce que nous ne sommes pas seul dans l’univers et qu’une autre forme de vie organisée a été découverte. Bien vite, il devient évident que ce « nous » ne concerne pas les humains mais une race extra-terrestre très évoluée, et que l’autre forme de vie en question, ce sont les Terriens. Une fois ce point de vue accepté, on s’amuse aisément du décalage entre le commentaire et les scènes de vie quotidienne captées dans Paris, un procédé qui rappele « Les Lettres Persanes » de Montesquieu.

 

Le parti pris narratif de Werber se scinde dès lors clairement en deux portions : les images « volées », filmées à la sauvette parmi les passants et les automobilistes, à la manière d’un film documentaire « ethnologique » ; et les séquences avec comédiens, dans la mesure où les extra-terrestres ont choisi de s’intéresser plus particulièrement à deux sujets d’observation pris au hasard : un homme (Thomas Le Douarec) et une femme (Annelise Hesme). Mais cette structure scénaristique, idéale sur un format court, aurait tout de même eu du mal à captiver le public pendant la durée d’un long-métrage. Conscient de cet état de fait, et soucieux de varier les plaisirs, Werber imagine que les extra-terrestres ne s’en tiennent pas à l’étude des humains dans leur environnement naturel, mais décident également d’analyser leur comportement en captivité. Reprenant à son compte la thématique des enlèvements d’humains par des aliens, Nos amis les Terriens nous fait donc découvrir, en montage parallèle, le triste sort d’un autre couple (Audrey Dana et Boris Ventura) enfermé dans un espace clos et livré à lui-même. « La science-fiction reste un support idéal pour parler de l’homme et de sa place dans l’univers », affirme Werber. « Voyons la vérité en face : nous sommes une espèce grouillant sur une planète, et nous sommes peut-être en train de la détruire. Parlons-en au lieu de nous voiler la face » (2).

Nous ne sommes pas seuls

Ces jalons étant posés, l’intrigue suit son cours sous l’œil mi-amusé mi-intrigué du spectateur. Car le cinéaste se plaît au jeu du mélange des genres et de la confusion des sentiments. Si le film prête souvent à rire, là n’est pas son unique objectif, et l’inversion des points de vue mue n’importe quelle séquence banale en tissu d’étrangetés, voire d’absurdités. Dès lors, tout est possible : l’érotisme numérique (l’incroyable scène des deux squelettes en image de synthèse qui font l’amour), l’allégorie biblique (les humains captifs qui construisent l’équivalent d’une Tour de Babel pour atteindre l’entité supérieure qui les observe), l’horreur gastronomique (l’épouvantable visite d’une usine où les poulets sont égorgés et plumés vivants). Et que dire de ce plan à la fois sublime et répulsif au cours duquel la tête d’un bébé s’extrait du corps de sa mère ?  L’originalité de Nos amis les Terriens et l’audace de son auteur-réalisateur nous incitent à l’indulgence quant aux faiblesses formelles du film, notamment une image vidéo numérique très inesthétique, des comédiens pas toujours convaincants et quelques pertes de rythme en cours de métrage.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2007

 

© Gilles Penso

 

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