LES CRADOS (1987)

L'un des pires films de tous les temps ? Probablement…

THE GARBAGE PAIL KIDS MOVIE

 

1987 – USA

 

Réalisé par Rod Amateau

 

Avec Anthony Newley, Mackenzie Astin, Katie Barberi, Ron MacLachlan, J.P. Amateau, Marjory Graue, John Herman Shaner, Patty Lloyd, John Cade

 

THEMA FREAKS

C’est en 1985 que la compagnie Topps lance sur le marché les « Garbage Pail Kids » (qui deviendront « Les Crados » en Belgique et en France), des cartes à collectionner graveleuses conçues comme des parodies des très populaires « Cabbage Patch Kids » (« Les Câlinous »). Chaque carte représente un personnage enfantin difforme atteint d’une maladie bizarre ou d’une manie honteuse. Les adultes grincent des dents mais les ados adorent, évidemment, et transforment en objet de culte cette collection (conçue par Art Spiegelman et dessinée par Brent Engstrom) qui se décline en posters, en albums illustrés et en livres. Deux ans plus tard, le producteur Rod Amateau (un vétéran de la TV qui œuvra notamment sur la série Shérif fais-moi peur) décide d’en tirer un long-métrage en prises de vues réelles. En charge des effets spéciaux, John Carl Buechler envisage de réaliser le long-métrage lui-même, qu’il imagine comme un film d’horreur gorgé d’humour noir où les petits personnages monstrueux ayant muté à cause de radiations se transforment en serial killers. On sent là l’influence de Troll, que Buechler a réalisé l’année précédente, mais aussi de Ghoulies dont il a conçu les créatures voraces. Mais cette approche déplaît à la production, qui préfère orienter le film vers un public plus large. Buechler reste donc en charge des effets mais cède le pas à Amateau derrière la caméra. Et le désastre commence.

Pendant le générique, une poubelle vogue dans l’espace et se dirige vers la Terre, nous laissant imaginer que les petits monstres ont une origine extra-terrestres. Sans transition ni explication, cette poubelle se retrouve stockée dans l’échoppe d’un antiquaire, « capitaine Manzini » (Anthony Newley), qui veille à ce qu’elle reste bien fermée. Dans cette boutique travaille un gamin de 15 ans, Dodger (Mackenzie Astin), qui visiblement n’a pas d’amis, pas de parents et pas de cours à l’école puisqu’il passe son temps entre la boutique et la rue où il est régulièrement maltraité par des voyous plus âgés que lui. Or le chef de ces « bad boys » est le petit ami de la belle Tangerine (Katie Barberi) dont Dodger tombe amoureux. Après avoir ouvert par mégarde la poubelle mystérieuse, le garçon découvre sept créatures plus hideuses et stupides les unes que les autres. Mais ces freaks ont bon fond et vont l’aider à vaincre les méchants.

Moi, moche et gluant

On ne saurait dire ce qui afflige le plus dans ce film : l’invraisemblance de son concept, la vacuité abyssale de son scénario, l’absence totale de péripéties ou le design hideux des créatures. Sans doute tout ça à la fois. Pour jouer les « crados », la production opte pour des nains portant des costumes et des masques animatroniques : un crocodile à perruque amateur d’orteils (Ali Gator), un boutonneux incontinent habillé en super-héros (Nat Nerd), un horrible bébé en salopette (Foul Phil), une fillette joufflue qui a la morve au nez (Messy Tessie), un émule difforme d’Elvis Presley (Greaser Greg), un pétomane en chemise hawaïenne (Windy Wintston) et une fille à couette à l’estomac fragile (Valerie Vomit). John Buechler et son équipe n’ont visiblement pas eu le temps de peaufiner leurs créatures, à tel point que ce défilé d’acteurs miniatures en latex prend des allures cauchemardesques, comme si les Télétubbies, les Minikeums et Téléchat avaient fusionné en une impensable orgie contre-nature. Ces petits monstres hydrocéphales et grotesques ne seraient peut-être pas aussi choquants si le film jouait la carte de l’humour bête et méchant véhiculé par les cartes originales. Sans aller jusqu’au film d’horreur imaginé par Buechler, des gags trash et impertinents auraient peut-être pu sauver l’affaire. Mais Les Crados est d’une retenue désespérante et d’un ennui mortel. La cerise sur le gâteau est sans conteste la chanson « Nous pouvons tout faire si nous travaillons ensemble » qu’entonnent les petits monstres en fabriquant plein de jolis vêtements pour un défilé de mode. Le film fut bien sûr un flop retentissant, mais quelques fans déviants le visionnent entre eux lors de soirées probablement très arrosées.

 

© Gilles Penso


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