LA MALÉDICTION D’ARKHAM (1963)

Roger Corman dirige Vincent Price dans cette adaptation libre des écrits tourmentés d’H.P. Lovecraft

THE HAUNTED PALACE

 

1963 – USA

 

Réalisé par Roger Corman

 

Avec Vincent Price, Debra Paget, Lon Chaney Jr, Leo Gordon, John Dierkes, Elisha Cook Jr, Frank Maxwell

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN

Officiellement, La Malédiction d’Arkham s’inscrit dans le cycle d’adaptations d’Edgar Poe signées par Roger Corman, mais en réalité l’auteur du « Chat noir » n’est ici qu’un prête-nom, le film s’inspirant principalement de l’inquiétante nouvelle « L’Affaire Charles Dexter Ward » d’H.P. Lovecraft publiée en 1927. Le célèbre écrivain de Providence n’ayant à l’époque quasiment jamais été porté à l’écran, le film marque une première dans ce domaine. Toutes les qualités propres au cycle Poe/Corman sont réunies tout au long du métrage : de très beaux décors (la forêt embrumée, le château abandonné), de magnifiques matte paintings prolongeant les panoramas avec une irréalité surnaturelle (les arbres tordus, la forteresse dans la brume, les navires sombres surgissant dans le petit port) et une musique envoûtante de Ronald Stein. Nous sommes en 1765 à Arkham, une petite ville de Nouvelle-Angleterre touchée par d’étranges disparitions. Joseph Curwen (Vincent Price), expert en magie noire, est accusé de sorcellerie et condamné au bûcher. Sur le point de trépasser, il jure de se venger des villageois et de leurs descendants. Cent dix ans plus tard, Charles Dexter Ward (Price toujours), petit-fils de Joseph Curwen, et son épouse Ann (Debra Paget) prennent le chemin d’Arkham pour s’installer dans la maison de leur ancêtre, dont ils ont hérité.

Une atmosphère délétère s’installe d’emblée, les clichés d’usage alimentant ce climat putride : les villageois en colère armés de torches, les autochtones à l’accueil glacial réunis dans la « taverne de l’homme brûlé »… Lon Chaney Jr prête ses traits à Simon, un étrange serviteur qui fait découvrir au couple Ward la vieille bâtisse séculaire. « On s’habitue aux ténèbres dans ce château » leur déclare-t-il sur un ton énigmatique. Dès qu’il prend possession des lieux, Charles est troublé, notamment par le portrait de son ancêtre qui lui fait une forte impression. Il faut dire que la ressemblance entre les deux hommes est frappante. Peu à peu, son comportement change, et la dualité qui s’inscrit dans ce personnage hanté par son aïeul nous rappelle plusieurs moments forts de La Chambre des tortures où Vincent Price jouait déjà le double rôle de la victime et du bourreau.

L’appel de Chtulhu

Le film bascule dans le cauchemar lors de cette scène nocturne mémorable où Charles et Ann croisent dans les rues d’Arkham plusieurs habitants au visage partiellement effacé qui errent comme des zombies. Un avant-goût de cette étrangeté nous avait été donné avec la vision insolite d’une petite fille sans yeux déambulant sans but (la partie supérieure de son visage apparaissait lisse, via un maquillage approximatif qui n’en demeurait pas moins très frappant). Pour expliquer l’étrange phénomène, le médecin du village décrit ces pauvres hères comme « des êtres humains tous malformés, de pauvres hères d’une espèce mutante ». Selon les superstitions locales, Curwen se serait servi du célèbre Necronomicon, le livre maléfique, pour faire revenir à la surface de la Terre Cthulhu, Iog-Sothot et tous les autres, puis aurait accouplé des humains avec des démons pour créer les mutants qui traînent désormais dans les rues. Ni vraiment fidèle aux écrits de Lovecraft dont il reprend partiellement la mythologie, ni proche de la nouvelle « Le Palais hanté » d’Edgar Poe dont il se contente de reprendre le titre dans sa version originale, La Malédiction d’Arkham n’en demeure pas moins une pièce maîtresse de la fructueuse collaboration entre Roger Corman et Vincent Price, laissant au comédien toute la latitude de jeu nécessaire pour exprimer les deux facettes de son personnage tourmenté, et s’achevant sur la vision furtive d’un démon affublé de quatre bras griffus avant le traditionnel grand incendie final.

 

© Gilles Penso

 

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