TEDDY (2020)

Dans un petit village du sud de la France, un jeune homme est mordu en pleine nuit par un loup et commence à se métamorphoser…

TEDDY

 

2020 – FRANCE

 

Réalisé par Ludovic et Zoran Boukherma

 

Avec Anthony Bajon, Christine Gautier, Ludovic Torrent, Noémie Lvosky, Guillaume Mattera, Jean-Michel Ricart, Alain Boitel

 

THEMA LOUPS-GAROUS

Ludovic et Zoran Boukherma sont frères, jumeaux et passionnés de cinéma depuis toujours. Dans le Lot-et-Garonne où ils grandissent, les opportunités d’entrer dans ce milieu très fermé sont rares. Ils réalisent alors plusieurs courts-métrages en amateurs à partir de 2013. En 2016, ils font le grand saut avec leur premier long, Willy 1er, une comédie dramatique présentée à Cannes et à Deauville et récompensée par plusieurs prix. Deux courts-métrages plus tard, les duettistes s’attaquent à leur second long-métrage, une comédie fantastique qu’ils baptisent Teddy. Si la campagne promotionnelle du film s’axe principalement sur son caractère comique (avec des allusions au jeu pour enfants « Le loup-garou » et des extraits de critiques s’exclamant « Monstrueusement drôle ! »), là n’est pas le seul ressort de Teddy. Certes, l’humour y est très présent, parfois graveleux, parfois absurde, mais il se teinte souvent d’une indubitable tendresse pour ses personnages principaux, et vire au drame au cours d’un dernier acte qui ne prête plus vraiment à rire.

Dans un village tranquille d’Occitanie, un loup se repaît des brebis et des moutons, provoquant la colère et la panique des éleveurs au grand dam de gendarmes à l’efficacité toute relative. C’est là que vit Teddy (Anthony Bajon), un garçon de 19 ans sans diplômes qui habite avec son oncle adoptif Pépin (Ludovic Torrent), travaille à contrecœur dans le salon de massage de Ghislaine (Noémie Lvosky) et fait des projets d’avenir ambitieux avec sa petite amie Rebecca (Christine Gautier). Mais Teddy est un jeune homme impulsif, un peu à l’écart, qui agace souvent les autorités et recueille le mépris des lycéens aux yeux desquels il n’est qu’un raté sans avenir. Un soir de pleine lune, au cœur de l’été, il est attaqué par une bête inconnue. S’agit-il du loup qui rôde dans la montagne ? Toujours est-il qu’il est désormais pris de curieuses pulsions animales…

Le loup-garou de l’ombre

Tourné dans les Pyrénées-Orientales, Teddy sollicite plusieurs comédiens locaux non professionnels, notamment Ludovic Torrent dont le timbre de voix frêle et l’accent à couper au couteau dotent le personnage de Pépin d’une touche insolite du meilleur effet. À ce casting au naturalisme non feint s’adjoignent des acteurs en début de carrière (Anthony Bajon que les réalisateurs ont repéré dans La Prière de Cédric Kahn, Christine Gautier qui jouait dans leur court La Naissance du monstre) et d’autres beaucoup plus confirmés comme Noémie Lvosky (déjà à l’affiche de Willy 1er). Ce mélange s’harmonise miraculeusement au sein d’un récit atypique où les personnages semblent presque réels, comme pris sur le vif par une caméra prompte à capter des tranches de vie de la campagne profonde. C’est dans ce cadre rural anodin que s’installe le fantastique, par petites touches successives. Si le principe de la contamination du héros par un loup-garou est très tôt admis, les réalisateurs mettent la pédale douce sur les effets spéciaux. Aucune séquence de métamorphose, aucune vue d’ensemble du monstre, ce lycanthrope reste sagement caché dans l’ombre. À peine a-t-on droit à quelques anomalies physiques préoccupantes : une langue qui se couvre de pelage, un poil qui pousse dans l’œil, un ongle qui se détache… Ce choix est certes budgétaire (malgré le talent de l’équipe de Christophe Calcus, des maquillages spéciaux dignes de Rick Baker ne sont pas à la portée de cette modeste production) mais aussi et surtout narratif. La transformation d’homme en loup symbolise ici l’apothéose des frustrations d’un jeune homme d’emblée rejeté par les autres et donc relégué au statut de paria – tout comme le loup qui hante la montagne et décime les troupeaux. Nul n’est donc besoin de visualiser de manière trop explicite la bestialité qui s’empare de lui. Le cheminement qui mène à cette monstruosité est bien plus intéressant. Tour à tour drôle, touchant, déroutant et tragique, Teddy renouvelle ainsi modestement mais avec beaucoup de fraîcheur l’un des thèmes séminaux du cinéma d’épouvante.

 

© Gilles Penso


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