L’EXORCISTE DU VATICAN (2023)

Russell Crowe affronte un démon redoutable face à la caméra de Julius Avery, le réalisateur d’Overlord…

THE POPE’S EXORCIST

 

2023 – USA

 

Réalisé par Julius Avery

 

Avec Russell Crowe, Daniel Zovatto, Alex Essoe, Franco Nero, Peter DeSouza-Feighoney, Laurel Marsden, Cornell John, Ryan O’Grady, Ralph Ineson

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Le père Gabriele Amorth est un personnage bien réel dont les activités au sein de l’église méritaient bien un film. Exorciste du diocèse de Rome depuis 1990, ce prêtre italien aurait pratiqué entre 50 000 et 70 000 exorcismes ! Auteur de plusieurs livres à succès, Amorth fascine beaucoup de monde, notamment le réalisateur William Friedkin qui décide, comme pour donner suite à son classique L’Exorciste, de lui consacrer en 2016 un documentaire, The Devil and Father Amorth. « J’ai obtenu une autorisation exceptionnelle pour assister à un exorcisme pratiqué par le père Amorth, mais je n’avais pas le droit d’emmener une équipe avec moi », nous racontait Friedkin. « J’ai donc filmé la séance tout seul avec une caméra numérique miniature. » (1) Le prêtre décède hélas en plein tournage, victime de complications pulmonaires. En 2020, Hollywood s’intéresse au personnage et la compagnie Screem Gems commence à développer un projet de fiction s’appuyant sur deux des livres du père Amorth, « An Exorcist Tells His Story » (1990) et « An Exorcist : More Stories » (1992). Le projet passe de mains en mains jusqu’à ce que le scénario définitif soit rédigé par Michael Petroni et Evan Spiliotopoulos. La mise en scène est alors confiée à Julius Avery, à qui nous devons Overlord, un étonnant mixage de film de guerre et de film d’horreur, et Le Samaritain, un film de super-héros avec Sylvester Stallone en tête d’affiche.

L’histoire du film se déroule en 1987 et raconte les démêlées du père Amorth avec un démon particulièrement puissant qui vient de s’emparer de l’âme d’un petit garçon dont la famille, suite à la mort du père dans un accident de la route, vient de s’installer dans une vieille abbaye à retaper. Russell Crowe campe une version très romancée du père Amorth : exubérant, trivial, insolent avec ses supérieurs et même un tantinet orgueilleux (il est notamment très fier de ses livres, qu’il conseille vivement à un autre prêtre). L’acteur néo-zélandais le joue avec un fort accent italien et une bonhommie qui emporte la sympathie, loin de la relative austérité du personnage réel dont il s’inspire (même si le vrai Amorth ne rechignait pas à employer l’humour pour déjouer le Malin). A la question « que fait-on ? » posée par une mère passablement affolée, l’exorciste du film répond stoïquement « du café ! », avant d’ajouter avec un brin de malice : « Les démons sont plus forts la nuit, j’aurai besoin d’énergie. » Russell Crowe lui-même ajoute son propre grain de sel, proposant par exemple de choisir un scooter comme moyen de locomotion du prêtre dans les rues romaines, symbole à la fois de son autonomie et de sa modernité.

L’enfant du diable

Traiter le principal protagoniste sous cet angle procède d’un choix intéressant, qui permet à L’Exorciste du Vatican d’échapper aux archétypes traditionnels du cinéma d’horreur. L’approche réaliste du récit et le jeu convaincant des autres acteurs (adultes, adolescents et enfants) jouent en faveur du film qui possède l’inestimable atout de ne jamais chercher à ressembler à L’Exorciste. Car depuis 1973, il s’avère quasiment impossible d’aborder les sujets de la possession diabolique et de l’exorcisme sans jouer le jeu de la comparaison avec l’œuvre séminale de William Friedkin. On note la présence dans le film de Franco Nero, très charismatique dans le rôle du pape mais très peu comparable avec le vrai Jean-Paul II dont il est censé s’inspirer. Comme on pouvait le craindre, L’Exorciste du Vatican ne parvient pas à conserver sa sobriété et sa retenue bien longtemps. Le dernier tiers du métrage sacrifie donc aux clichés d’usage (blasphèmes, visage scarifié, phénomènes paranormaux en cascade, lit qui remue…), convoque une imagerie religieuse naïve et cède à la tentation d’une profusion d’effets numériques excessifs (avec même une sorte de clin d’œil bizarre à Terminator 2). Le film ne tient donc pas ses promesses et s’achève de manière décevante, ouvrant une porte vers d’éventuelles suites dont Amorth et son assistant le père Esquibel (Daniel Zovatto) seraient les héros.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2017

 

© Gilles Penso


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