CHICKEN RUN : LA MENACE NUGGETS (2023)

23 ans après leur première aventure, les poules conçues par les créateurs de Wallace et Gromit font leur grand retour…

CHICKEN RUN: DAWN OF THE NUGGETS

 

2023 – GB / USA

 

Réalisé par Sam Fell

 

Avec les voix de Zachary Levi, Thandiwe Newton, Bella Ramsey, Romesh Ranganathan, David Bradley, Daniel Mays, Jane Horrocks, Imelda Staunton

 

THEMA REPTILES ET VOLATILES

Sorti en 2000, Chicken Run est le premier long-métrage du studio Aardman et son plus gros succès. L’idée d’une suite naît très tôt dans l’esprit des trublions britanniques mais tarde à se concrétiser. Entretemps, ils développent les aventures sur petit et grand écran de Shaun le mouton et Wallace et Gromit ainsi que d’autres projets joyeusement délirants comme Souris City, Cro Man ou Les Pirates ! Bons à rien mauvais en tout. Ce n’est qu’au printemps 2018 qu’est annoncée officiellement la suite de Chicken Run, produite conjointement par Aardman, Pathé Films et StudioCanal (Dreamworks ayant entretemps cessé son partenariat avec le studio anglais). Signe des temps, le film ne sortira pas en salles mais sera directement diffusé sur Netflix. Si Peter Lord et Nick Park, réalisateurs du premier opus, sont toujours présents au poste de producteurs exécutifs, ils cèdent le fauteuil du réalisateur à Sam Fell, un spécialiste de l’animation qui dirigea Souris City, La Légende de Despereaux et L’Étrange pouvoir de Norman. Le scénariste du film original, Karey Kirkpatrick, est toujours de la partie, épaulé cette fois-ci par John O’Farrell et Rachel Tunnard. Les interprètes vocaux des deux personnages principaux, Mel Gibson et Julia Sawalha, sont un temps envisagés pour reprendre leurs rôles, mais ils sont finalement remplacés par des acteurs plus jeunes : Zachary Levi et Thandiwe Newton.

Si le premier Chicken Run réinventait sous un angle parodique le principe narratif de La Grande évasion dans un univers de basse-cour, le scénario de Chicken Run : la menace nuggets en inverse le processus. Ici, il ne s’agit pas de s’échapper d’un environnement pénitentiaire mais d’y pénétrer. Lorsque le film commence, le coq Rocky et la poule Ginger vivent paisiblement sur une petite île en compagnie de toute la volaille qui s’est évadé du poulailler de la sinistre Mrs Tweedy. C’est dans cet environnement paradisiaque que naît Molly, la fille du couple vedette. Lorsqu’elle grandit, la turbulente progéniture décide d’aller voir ce qui se passe au-delà de l’île, malgré l’interdiction de ses parents. Molly part donc explorer le monde extérieur et s’embarque à l’intérieur d’un des camions de « Fun Land », qu’elle croit être un parc d’attractions où les poules passent leur temps à s’amuser. Mais il s’agit en réalité d’un poulailler industriel qui a vocation de transformer toutes ses « pensionnaires » en nuggets…

Prises de bec

Dès les premières minutes du film, force est de constater que le charme ne s’est pas dissipé avec les années. La bonne vieille stop-motion à l’ancienne, les figurines en plastiline et les décors miniatures ont même tendance à se bonifier avec le temps. De fait, ce Chicken Run donne presque l’impression d’avoir été réalisé dans la foulée du premier, tant l’esprit, le grain de folie et la mise en forme quasi-artisanale sont similaires. L’usage plus intensif des images de synthèse en renfort de l’animation traditionnelle est d’ailleurs suffisamment discret pour se fondre dans la masse. Même si Peter Lord et Nick Park ne sont plus aux commandes, la patte Aardman est toujours là, avec cet humour « so british » pince-sans-rire, ces dialogues absurdes, ces séquences de poursuites et d’action délicieusement outrancières et cet inimitable sens du timing. Au fil de son scénario, Chicken Run : la menace nuggets s’amuse à pasticher Mission impossible et la saga James Bond, cette fabrique de nuggets ayant tout du repaire ultra-sécurisé d’un super-vilain façon docteur No ou Blofeld. On pense aussi au Pinocchio de Disney, à travers ce parc d’attractions faussement idyllique qui attire notre jeune héroïne désobéissante en l’entraînant vers sa perte. Rien n’empêche d’ailleurs d’y voir aussi une parabole de l’abrutissement des masses par des programmes de divertissement stupides annihilant la capacité de jugement en entretenant un état de béatitude permanent. Bref, voilà une nouvelle réussite à mettre à l’actif des joyeux drilles d’Aardman, l’un des studios d’animation les plus inventifs et les plus décomplexés de sa génération.

 

© Gilles Penso


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