UNE CRÉATURE DE RÊVE (1985)

Deux lycéens peu populaires décident de s’inspirer du docteur Frankenstein et de créer une femme parfaite qui saura satisfaire tous leurs désirs…

WEIRD SCIENCE

 

1985 – USA

 

Réalisé par John Hugues

 

Avec Anthony Michael Hall, Ilan Mitchell-Smith, Kelly LeBrock, Bill Paxton, Robert Downey Jr, Robert Rusler, Suzanne Snyder, Judie Aronson, Vernon Wells

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Une Créature de rêve est le troisième long-métrage de John Hugues, réalisé dans la foulée des énormes de succès de Seize bougies pour Sam et Breakfast Club. Si le titre original Weird Science est le même que celui de la série de bandes dessinées de science-fiction publiées dans les années 50 par EC Comics, ce n’est pas tant parce qu’il s’agit d’une adaptation d’un des récits de cette anthologie (même si l’on retrouve plusieurs points communs avec l’histoire « Made of the Future » écrite par Al Feldstein) mais parce que le producteur Joel Silver en a acquis les droits et souhaite capitaliser sur la popularité de son nom. Il produira d’ailleurs quelques années plus tard Les Contes de la crypte tirés eux aussi d’une célèbre publication d’EC Comics. John Hughes écrit le scénario d’Une Créature de rêve en quelques jours seulement et se met en quête du casting idéal. Les deux jeunes héros seront incarnés par Anthony Michael Hall (déjà à l’affiche de ses deux films précédents) et Ilan Mitchell-Smith (qu’on retrouvera dans la série Superboy à partir de 1989). Pour la « créature de rêve », le premier choix se porte sur le mannequin Kelly Emberg. Mais au bout de deux jours de tournage, cette dernière quitte le plateau. La raison officielle ? Des « divergences créatives », un terme bien pratique pour aplanir toutes les controverses. Sa remplaçante sera un autre mannequin, Kelly LeBrock. Personne n’aura à s’en plaindre.

Gary Wallace et Wyatt Donnelly sont des adolescents très peu populaires. Martyrisés par les sportifs du lycée, mal à l’aise avec les filles, peu confiants dans leur avenir, incapables de trouver leur place dans la société, ils cristallisent une grande partie des angoisses que John Hughes ressentait lui-même à leur âge – tout comme la grande majorité des teenagers de l’époque. Seuls pour le week-end, les parents de Wyatt s’étant absentés, ils s’inspirent du Frankenstein de James Whale, qu’ils regardent à la télé, et décident de créer une femme virtuelle parfaite. La méthode qu’ils emploient pour parvenir à leurs fins est tellement improbable qu’on se doute bien que l’aspect science-fictionnel du film est celui qui intéresse le moins John Hugues. Nos lycéens branchent en effet une poupée Barbie sur un ordinateur de bureau, piratent comme par magie le système informatique de l’armée (afin d’avoir un maximum de puissance à leur disposition), scannent des couvertures de Playboy… et le tour est joué !

« Mary Poppins avec des seins »

Le concept d’Une Créature de Rêve est particulièrement attrayant, mais notre suspension d’incrédulité est sérieusement mise à mal par les scories d’un scénario souvent évasif. D’emblée, le spectateur a donc du mal à accepter l’intrusion de cette « femme fatale » dans la chambre des ados, même en tant que vecteur de comédie. D’autant que Kelly Le Brock, pourtant visiblement pleine de bonne volonté, n’a pas grand-chose d’intéressant à défendre dans le rôle de cette créature bizarre. Dotée de super-pouvoirs variés et aléatoires que rien n’explique (elle agit sur les appareils électriques, est capable de changer les tenues de ceux qui l’entourent, peut effacer la mémoire des gens, crée de fausses cartes d’identité), elle se promène nonchalamment au beau milieu d’une intrigue incapable d’exploiter pleinement sa présence décalée. L’idée d’une bombe sexuelle avec laquelle les héros n’assouvissent finalement pas leurs fantasmes dans la mesure où elle se mue en véritable nounou poussant ses créateurs à s’épanouir (une sorte de « Mary Poppins avec des seins » pour reprendre l’expression de l’actrice elle-même) était pourtant intéressante. Tout comme cette volonté récurrente chez Hugues de critiquer la société de consommation de l’époque et le culte de la réussite sociale chère aux années Reagan. Mais nous sommes bien loin de l’authenticité et de la justesse de Seize bougies pour Sam et Breakfast Club. Ce qui n’empêchera pas le film d’être un nouveau succès fracassant (dans lequel apparaissent deux brutes épaisses incarnées en début de carrière par Robert Downey Jr et Bill Paxton). En 1994, Universal adaptera Une Créature de rêve sous forme d’une série TV titrée chez nous Code Lisa.

 

© Gilles Penso


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