THE PHANTOM LOVER (1995)

Leslie Cheung incarne un émule du Fantôme de l'Opéra dans ce remake du premier film d’horreur de l’histoire du cinéma chinois…

YE BAN GE SHENG

 

1995 – HONG-KONG

 

Réalisé par Ronny Yu

 

Avec Leslie Cheung, Lei Huang, Philip Kwok, Fong Pao, Roy Szeto, Chien-lien Wu, Liwen Yu

 

THEMA SUPER-VILAINS

Ronny Yu, qui s’était distingué avec le magnifique La Fiancée aux cheveux blancs, signe en 1995 ce remake prestigieux du classique Le Chant de minuit de 1937. Comme c’était le cas pour son modèle, le scénario présente de nombreuses similitudes avec « Le Fantôme de l’Opéra » de Gaston Leroux, tout en s’inspirant aussi partiellement du « Romeo et Juliette » de Shakespeare, lequel est fréquemment cité au fil du métrage. Tourné en mandarin, comme le film original, The Phantom Lover se situe dans la Chine des années 40. Song Dan Ping, campé par l’acteur et chanteur Leslie Cheung, est un artiste comblé qui interprète les grands classiques de la scène dans son propre prestigieux théâtre, face à un public largement acquis à sa cause. To Wan-Yin (Jacqueline Wu) tombe sous son charme, mais le père de la belle est un homme puissant, tyrannique et corrompu. La romance intense et secrète, facilitée par une dame de compagnie complaisante, vire au cauchemar lorsque Wan-Yin est séquestrée par son père tandis que Dan Ping est défiguré à l’acide puis livré à l’incendie de son théâtre. Désespérée et résignée, la belle sombre bientôt dans la folie.

Bien des années plus tard, une troupe d’étudiants en théâtre arrive de Pékin pour jouer sur scène des pièces du répertoire de Dan Ping, désormais entrées dans la légende. Ils s’installent dans les ruines du théâtre de l’ancien acteur, sans savoir que ce dernier rôde toujours dans les lieux, horriblement défiguré et profondément taciturne, mais bien vivant. Triste, tragique et touchant, The Phantom Lover s’écarte volontairement de l’horreur gothique dégagée par l’atmosphère du classique de Ma-Xu Weibang, alors sous influence du cinéma expressionniste allemand et des « Universal Monsters », pour s’orienter vers un romantisme mélodramatique plus proche du roman de Gaston Leroux tel qu’il fut réinterprété par Andrew Lloyd Webber.

« Lost You Forever »

Leslie Cheung nous émeut d’autant plus, en créature défigurée et recluse, dissimulée sous une sombre bure, que la beauté de son visage et la pureté de sa voix restent durablement ancrées dans la mémoire des spectateurs. La chanson « Lost You Forever », aux orchestrations quelque peu anachroniques pour une intrigue se situant dans les années 40, constitue le thème principal de la bande originale. Elle sera commercialisée sous forme de single et aura droit à son propre clip au moment de la sortie du film. La mise en scène de Ronny Yu privilégie l’esthétisme et le graphisme. Les décors, la photographie et les costumes sont particulièrement mis en valeur, Yu se plaisant à laisser voltiger au ralenti les éléments les plus variés (flammes, pluie, neige, bris de verre, étoffes portées par le vent). Il ne se départit pas pour autant d’une nervosité nécessaire lors des séquences les plus mouvementées, notamment l’agression de Dan Ping. Dans ces cas, la caméra s’agite volontiers pour plonger au cœur de l’action. Le cinéaste persévèrera par la suite dans la voie du fantastique en partant à l’assaut du public international avec notamment La Fiancée de Chucky et Freddy contre Jason.

 

© Gilles Penso


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