INSOMNIES (2000)

Suite à la disparition inexpliquée de sa femme, un homme ne trouve plus le sommeil et commence à être frappé par des hallucinations…

CHASING SLEEP

 

2000 – USA / CANADA / FRANCE

 

Réalisé par Michael Walker

 

Avec Jeff Daniels, Emily Bergl, Gil Bellows, Zach Grenier, Julian McMahon, Ben Shenkman, Molly Price, Patrick Moug

 

THEMA RÊVES

A mi-chemin entre L’Échelle de Jacob, Shining et Lost Highway, Insomnies est un voyage intérieur éprouvant au cours duquel la mise en scène virtuose de Michael Walker préfère aux effets choc la construction d’une atmosphère pesante et malsaine. Jeff Daniels, prodigieux, y incarne Ed Saxon, un professeur de littérature, poète à ses heures, qui se réveille un matin pour découvrir que sa femme Eve a disparu. Après avoir alerté sa meilleure amie puis l’hôpital et enfin la police, Ed se met à tourner en rond dans son appartement. L’endroit est quelque peu sinistre, car des problèmes de plomberie laissent l’eau s’infiltrer partout. Le plafond suite, les murs se couvrent d’auréoles, la baignoire se bouche. Quant à la cave, elle s’inonde peu à peu. Mais le problème le plus grave est l’incapacité pour Ed de trouver le sommeil. Errant dans un état de plus en plus souffreteux, il attend en vain des nouvelles de sa femme et commence lentement à perdre pied, bientôt incapable de différencier la réalité du rêve.

Ainsi, cette cohorte de personnages qui défilent dans son appartement est-elle réelle, ou le fruit de son imagination ? Il y a d’abord ce policier enquêtant sur la disparition (Gil Bellows, l’un des héros d’Ally McBeal), puis cette jeune étudiante secrètement amoureuse d’Ed (Emily Bergl, rôle-titre de Carrie 2), ce médecin étrange qui lui prescrit des somnifères extrêmement puissants (Zach Grenier, dont on a pu voir la trogne impayable dans Fight Club), ce professeur de sport qui aurait eu une relation avec Eve (Julian MacMahon, futur protagoniste de la série Nip/Tuck et Docteur Doom des Quatre Fantastiques)… Et puis il y a ces visions franchement terrifiantes, stigmatisant la culpabilité et les peurs d’Ed : le piano qui joue seul, le sang qui emplit la baignoire, un doigt de femme coupé qui rampe sur le plancher, un bébé disproportionné qui geint…

Aux portes de la folie

Plus d’une fois, l’univers de David Lynch vient à l’esprit au fil de ce film déroutant. Pour autant, Michael Walker, dont c’est le premier scénario et la première mise en scène après une poignée de courts-métrages, parvient à imposer son propre style, brisant avec subtilité les frontières entre le tangible et l’irréel (l’eau qui coule partout dans l’appartement se mue progressivement en sang) et accentuant progressivement la claustrophobie de son infortuné protagoniste (via des décors aux plafonds trop bas et des contre-plongées étouffantes). De toute évidence, cet appartement en décrépitude semble être la métaphore de l’état mental en plein déclin de son occupant. Inquiétant et déstabilisant, Insomnies laisse beaucoup de questions en suspens, mais les indices disséminés tout au long du récit permettent peu à peu de reconstituer le fil des événements tragiques qui conduisent l’insomniaque Ed sur la pente inexorable de la folie et de l’épouvante. Malgré ses nombreuses qualités, Insomnies a souffert d’une distribution chaotique aux Etats-Unis qui le fit atterrir directement dans les bacs vidéo après une année de tournées des festivals, y compris dans celui du cinéma fantastique de Gérardmer où il remporta le Grand Prix en 2001.

 

© Gilles Penso


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