TYGRA, LA GLACE ET LE FEU (1983)

Ralph Bakshi et Frank Frazetta nous content les mésaventures d’un guerrier et d’une princesse dans un monde d’heroic fantasy sauvage et hostile…

FIRE AND ICE

 

1983 – USA

 

Réalisé par Ralph Bakshi

 

Avec Randy Norton, Cynthia Leake, Steve Sandor, Sean Hannon, Leo Gordon, William Ostrander, Eileen O’Neill, Elizabeth Lloyd Shaw, Micky Morton

 

THEMA HEROIC FANTASY

En 1978, Ralph Bakshi est l’un des premiers réalisateurs à transposer sur grand écran l’univers de l’heroic-fantasy avec sa version animée du Seigneur des anneaux. Entretemps, le genre devient extrêmement populaire grâce à Conan le barbare et à ses nombreuses imitations. Bakshi décide donc de contre-attaquer en s’associant avec un de ses amis de longue date, le légendaire dessinateur Frank Frazetta. Tous deux développent l’histoire de Tygra, la glace et le feu, dont le scénario est confié à deux piliers des comics Marvel, Roy Thomas et Gerry Conway. Pugnace, Bakshi parvient à lever 1,2 million de dollar pour financer le film et à obtenir l’accord de la Twentieth Century Fox pour sa distribution. Si Tygra est un film d’animation pur et dur, le réalisateur tient à s’appuyer sur la performance d’acteurs réels pour fluidifier les mouvements de ses personnages. D’où l’emploi intensif de la rotoscopie, déjà éprouvée dans Le Seigneur des anneaux : les comédiens sont filmés en noir et blanc et leurs performances sont ensuite reproduites image par image par les animateurs. Cette démarche nécessite un processus de casting complexe. Comment par exemple trouver une Tygra idéale, sachant que la plantureuse héroïne possède des mensurations plus proches de la bande dessinée que du monde réel ? Bakshi et Frazetta sélectionnent finalement Cynthia Leake (dont la poitrine sera tout de même augmentée à l’écran !), tandis qu’une autre actrice, Maggie Roswell, lui prête sa voix.

Le monde dans lequel se déroule le film est menacé par la Reine Juliana et son fils Nekron. Depuis leur forteresse glacée d’Icepeak, tous deux font progresser une gigantesque vague de glaciers, contraignant les derniers bastions de l’humanité à se replier vers le sud. Sous prétexte de négocier une reddition, Juliana envoie des émissaires à Firekeep, la citadelle volcanique du roi Jarol. En réalité, elle cherche à faire capturer la princesse Teegra (orthographiée Tygra dans la version française), fille du roi, dans l’espoir qu’elle devienne l’épouse de Nekron et lui donne un héritier. Échappant momentanément à ses ravisseurs, Teegra croise la route de Larn, un jeune guerrier rescapé d’un village détruit par les glaces. Tous deux s’allient, mais sont séparés après l’attaque d’un monstre marin. Teegra est de nouveau capturée, puis s’évade avant de tomber entre les mains d’une sorcière et de son fils géant, qui veulent la livrer à Nekron en échange de sa clémence…

Les âges farouches

On peut regretter que les limitations techniques et budgétaires ne permettent pas de pleinement rendre justice à la beauté et à la richesse des designs du film. Il nous faut souvent nous contenter d’à-plats de couleurs uniformes et de traits minimalistes, loin des peintures somptueuses auxquels Frank Frazetta nous a habitués. Mais le dynamisme de l’animation, la qualité esthétique des panoramas (des milliers de fresques d’arrière-plan ont été élaborées pour le film) et la force évocatrice de cet univers d’heroic fantasy suffisent à emporter l’adhésion. Avec sa tignasse blonde et son collier de griffes, le guerrier Larn nous évoque Rahan. Ce monde préhistorique n’est d’ailleurs pas sans rappeler le fameux « fils des âges farouches » créé par Roger Lécureux et André Cheret, même si les pages des comics Marvel mettaient déjà en scène un héros antédiluvien fort similaire nommé Ka-Zar. Teegra, elle, dégage une forte charge érotique que Bakshi et Frazetta assument sans fard, calquant visiblement une partie de ses traits sur ceux de Tanya Roberts dans Dar l’invincible. Soutenu par une belle musique héraldique de William Kraft, truffé de séquences épiques (le premier combat de Larn contre les « sous-humains », l’attaque du lézard géant, le surgissement du céphalopode titanesque, l’éveil du squelette de la sorcière, l’assaut final à dos de ptéranodons), Tygra, la glace et le feu est avant tout un récit de survie dans un monde sauvage et hostile, où les dialogues sont souvent réduits à leur plus simple expression. Et même si le résultat final manque parfois un peu de liant ou de finesse, le rythme soutenu et les péripéties vivaces emportent les spectateurs dans une course enivrante. Comment ne pas se délecter d’un spectacle aussi généreux ?

 

© Gilles Penso

À découvrir dans le même genre…

 

Partagez cet article