LE TERRITOIRE DES OMBRES : LE MONDE INTERDIT (2010)

L’ambitieux diptyque que consacre le réalisateur espagnol José Luis Amemán à H.P. Lovecraft s’achève ici sur une note spectaculaire…

LA HERENCIA VALDEMAR II : LA SOMBRA PROHIBIDA

 

2010 – ESPAGNE

 

Réalisé par José Luis Alemán

 

Avec Daniele Liotti, Óscar Jaenada, Laia Marull, Silvia Abascal, Rodolfo Sancho, Ana Risueño, Norma Ruiz, Santi Prego, José Luis Torrijo, Jesús Olmedo

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Dédié à la mémoire de Paul Naschy, dont ce sera le dernier film avant son décès en novembre 2009, Le Monde interdit est le second volet du diptyque Le Territoire des ombres entamé avec Le Secret de Valdemar. Si les deux films se raccordent directement, ils se distinguent par une atmosphère différente. Le premier épisode se déroulait en effet majoritairement au 19ème siècle, via une reconstitution historique minutieuse à l’esthétique soignée, alors que celui-ci prend place dans un contexte contemporain. Force est de constater que ce changement d’époque nuit au résultat final et lui ôte une grande partie de son charme. De fait, les passages les plus intéressants de ce Monde interdit sont les brefs flash-backs nous ramenant quelques siècles dans le passé, dans une atmosphère gothique qui doit autant à Edgar Allan Poe qu’à H.P. Lovecraft. À la fin du film précédent, qui s’achevait sur le destin tragique de Leonor Valdemar (Laia Marull) jetée dans les griffes d’une créature démoniaque surgie à l’issue d’un rituel ancestral, nous revenions dans le présent pour assister à la capture de l’experte en biens immobiliers Luisa Llorente (Silvia Abascal) par les membres d’une confrérie aux noirs desseins. Le suspense était donc à son comble.

Lorsque ce second épisode commence, deux groupes distincts se mettent à la recherche de Luisa : deux employés de l’agence immobilière d’un côté, un détective spécialisé dans le surnaturel et l’émissaire d’une mystérieuse fondation de l’autre. Tout ce beau monde finit par tomber entre les griffes d’une secte qui a réussi à mettre la main sur le Necronomicon, le fameux Livre des Morts. Grâce à ce grimoire maudit, au sacrifice de 666 victimes humaines et à la pratique d’un rituel ancestral, les membres de cette organisation secrète entendent bien ouvrir la porte de notre monde pour libérer les Grands Anciens, notamment le redoutable et tentaculaire Cthulhu qui dort dans les entrailles de la Terre en attendant de pouvoir revenir régner à la surface. Est-il trop tard pour les arrêter ?

L’appel de Cthulhu

Le gros de l’intrigue située à notre époque n’est d’un intérêt que très relatif, se résumant principalement à montrer Luisa Llorente qui est capturée, s’échappe, est à nouveau capturée… C’est donc dans les flash-backs situés au 19ème siècle que les spectateurs trouveront les éléments les plus attrayants du film. On y aperçoit non sans émotion Paul Naschy dans la peau d’un serviteur mettant en garde Lazara Valdemar (Daniele Liotti) contre les dangers que représente le Necronomicon. H.P. Lovecfaft lui-même y fait une apparition, sous les traits de l’acteur Luis Zahera. L’écrivain entre ainsi dans la fiction et s’efforce de récupérer le livre maudit avant qu’il ne cause d’irrémédiables dégâts. « Beaucoup d’inconscients pensent qu’ils sauront l’utiliser ou faire fortune avec », dit-il à Valdemar. « C’est le livre qui vous possède, et non l’inverse » ajoute-t-il, avant de d’annoncer gravement qu’« aucun détenteur de ce livre n’a jamais survécu. » De retour à notre époque, le film nous offre un climax à grande échelle, situé dans un beau décor de grotte souterraine où Cthulhu lui-même fait enfin son apparition. Et malgré le faible budget à sa disposition, Alemán nous en donne pour notre argent. Conforme à la morphologie qu’on imagine, la créature titanesque – reconstituée en images de synthèse – est une belle réussite, même si son rôle se limite à celui d’un grand monstre agressif et rugissant, qui sera finalement englouti dans les profondeurs par une entité encore plus puissante que lui. C’est donc sur une note spectaculaire, à défaut d’être pleinement convaincante, que s’achève Le Territoire des ombres, dont on ne pourra pas reprocher le manque d’ambition.

 

© Gilles Penso

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