SHELLEY (2016)

Une jeune femme célibataire accepte d’être mère porteuse pour un couple stérile, mais sa grossesse prend une tournure très inquiétante…

SHELLEY

 

2016 – DANEMARK

 

Réalisé par Ali Abbasi

 

Avec Cosmina Stratan, Ellen Dorrit Petersen, Peter Christoffersen, Björn Andrésen, Marianne Mortensen, Kenneth M. Christensen, Patricia Schumann

 

THEMA ENFANTS

Pour son premier long-métrage, le réalisateur danois Ali Abbasi nous plonge dans une atmosphère oppressante en racontant comment une grossesse inespérée vire progressivement au cauchemar. Le titre Shelley n’est évidemment pas choisi au hasard. « Le nom de Mary Shelley est naturellement associé à celui de Frankenstein et donc au monstre », explique le réalisateur. « Ce nom de famille pourrait être un joli prénom féminin, mais culturellement il évoque quelque chose de sinistre. C’est presque inconscient. Quand vous entendez le mot “Shelley“, vous sentez qu’il véhicule de l’étrangeté et de l’inquiétude, sans forcément savoir pourquoi. » (1) Elena (Cosmina Stratan), une jeune mère célibataire roumaine qui a besoin d’argent pour s’occuper de son fils, accepte un travail d’aide-ménagère chez un couple danois dans une maison isolée en pleine nature, sans électricité ni confort moderne. Même si ses employeurs Louise (Ellen Dorrit Petersen) et Kasper (Peter Christoffersen) sont affables et accueillants, le cadre champêtre aux allures paradisiaques ne semble pas aussi idyllique qu’il n’y paraît.

Un certain malaise se dégage de ce bien-être permanent, sans qu’on puisse précisément mettre le doigt dessus. Lorsqu’elle accepte en échange d’une coquette somme d’argent de porter le bébé de Louise, dont le rêve de maternité est brisé par sa stérilité, Elena scelle son destin. L’enfant grandit trop vite dans son ventre, affectant sa santé et son comportement tout en émettant intra utero des sons particulièrement angoissants. Plus la naissance approche, plus le film bascule dans l’horreur. Le thème que développe Shelley nous est familier : la grossesse qui tourne mal et le bébé diabolique. Mais le cinéaste Ali Abbasi opte pour une approche très sensitive, très atmosphérique, loin des canons habituels du film d’horreur, posant sa caméra sur des personnages crédibles et attachants.

La chose dans le ventre

« D’un point de vue purement dramaturgique, la grossesse est une véritable mine d’or », explique Ali Abbasi. « Au départ, vous avez une créature qui grandit à l’intérieur de votre organisme. Ce n’est pas encore un être humain, c’est une « chose ». C’est presque comme une maladie, comme un parasite qui se nourrit de vous et vous affaiblit. Soudain vous changez physiquement, vous commencez à agir bizarrement, vos sens s’aiguisent, vous perdez le contrôle de vous-même. » (2) Le problème de Shelley est lié au refus de son réalisateur d’assumer pleinement le caractère fantastique de son propos, tournant autour de son sujet sans jamais l’aborder frontalement, et dirigeant finalement son récit vers une impasse frustrante. C’est d’autant plus dommage que la patine du film est d’une élégance rare, sertissant ses comédiens dans une photographie somptueuse et emplissant sa bande son d’effets oppressants dont le moindre n’est pas le grincement incessant du nouveau-né.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2016

 

© Gilles Penso


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