LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (1968)

George Romero s'inscrit dans les préoccupations de la société de la fin des années 60 et invente le cinéma d'horreur moderne

NIGHT OF THE LIVING DEAD

1968 – USA

Réalisé par George A. Romero

Avec Duane Jones, Judith O’Dea, Karl Hardman, Marilyn Eastman, keith Wayne, Judith Ridley, Kyra Schon 

THEMA ZOMBIES I SAGA LES ZOMBIES DE ROMERO

Après plusieurs décennies de zombies créés par des savants fous émules du docteur Frankenstein, praticiens du vaudou ou apprenti sorciers jouant avec l’atome, George Romero propose sa propre version du mythe, le révolutionnant à tout jamais en y injectant une bonne dose de satire sociale très en accord avec les mentalités de cette fin des années 60. « J’ai emprunté l’idée au roman « Je suis une légende » de Richard Matheson », avoue Romero. « Le livre commençait alors qu’il ne restait plus qu’un seul homme sur terre. Je me suis donc dit qu’il serait intéressant de raconter ce qui a pu se passer avant cette situation critique. » (1) Le film s’amorce assez abruptement. Alors qu’ils se rendent au cimetière, Barbara et son frère Johnny sont attaqués par un zombie qui tue Johnny, carrément. Barbara, terrifiée, s’enfuit avec sa voiture mais un accident la rend inutilisable. Elle poursuit sa course à pied et trouve refuge dans une maison abandonnée où elle rencontre Ben, qui résiste lui aussi contre une horde de morts ranimés soudainement sans explication logique. La radio évoque bien une expérience atomique, ou les retombées d’un satellite envoyé par la Terre, mais rien n’est confirmé. Ce qui est sûr, c’est que toute personne blessée ou tuée par un des morts-vivants devient l’un des leurs. Dans la cave de la vieille maison se sont réfugiés deux couples et une petite fille. Les survivants devront donc à la fois lutter contre les cadavres ambulants qui les assaillent, mais aussi régler les guerres intestines qui, peu à peu, se développent au sein de l’angoissant huis-clos.

La photographie achrome et les cadrages à l’épaule donnent à La Nuit des morts-vivants une patine réaliste et pseudo-documentaire qui a le don de singulièrement déranger le spectateur. Malgré un argument de science-fiction qui ne constitue à vrai dire qu’un prétexte, l’invasion des morts-vivants est traitée avec une sobriété et une crédibilité qui rendent très palpable la terreur des protagonistes. Point d’effet de mise en scène appuyé (si l’on excepte la tonitruante partition musicale) ni d’effets spéciaux spectaculaires (quelques impacts de balle et des maquillages blafards surexposés) ne viennent troubler cette sensation de réalisme. Romero joue ainsi la carte de la retenue et de l’austérité. 

Romero s'inspire d'Orson Welles

« J’ai cadré le film moi-même », raconte-t-il, « et j’avais en tête les films d’Orson Welles, notamment ses adaptations de Shakespeare aux images noir et blanc contrastées et aux longues ombres portées. » (2) L’aspect volontairement anecdotique du récit (nous ne nous intéressons qu’à une poignée de personnages sans savoir ce que devient le monde pendant ce temps) et le choix d’un décor étouffant et étriqué décuplent le potentiel angoissant du récit. Et comme Romero ne se fait guère d’illusions sur la nature humaine, il nous montre les survivants s’entredéchirer au lieu de se soutenir, et les chasseurs courser les zombies comme du gibier avec une bonne humeur inquiétante. Quant à la chute finale, monstrueusement injuste, elle laisse pantois. Maintes fois copié et plagié, La Nuit des morts-vivants connaîtra plusieurs suites signées par Romero lui-même, et un nombre incalculable de fausses séquelles et de remakes en tout genres.

 

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juillet 2005

 

© Gilles Penso

 

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