L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR (1954)

Jack Arnold transforme une légende urbaine en l'un des monstres les plus iconiques de l'histoire du cinéma

CREATURE FROM THE BLACK LAGOON

1954 – USA

Réalisé par Jack Arnold

Avec Richard Carlson, Julie Adams, Richard Denning, Antonio Moreno, Nestor Paiva, Whit Bissell, Bernie Gozier, Henry Escalante

THEMA MONSTRES MARINS I SAGA L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR I UNIVERSAL MONSTERS

Après avoir usé jusqu’à la corde Dracula, Frankenstein, le loup-garou et la momie, à coup de séquelles, de cross-over et de parodies, les studios Universal avaient besoin d’un nouveau monstre, propre à enrichir un peu leur mythique bestiaire. Le producteur William Alland s’inspira donc d’une légende urbaine, prétendant qu’un homme-poisson vivrait quelque part en Amazonie, et se lança dans cette Étrange créature du lac noir appelée à devenir un classique. On y suit une expédition paléontologique aux abords d’un sinistre lagon, constituée d’une petite équipe de spécialistes : le professeur David Reed, l’industriel Mark Williams, le plongeur Carl Maia et sa fiancée scientifique Kay Lawrence.Tout ce beau monde se retrouve bientôt nez à nez avec un chaînon manquant entre l’homme et le poisson, qui les agresse en se sentant envahi sur son propre territoire, puis s’émeut face à la beauté de Kay. Au cours d’une mémorable séquence de ballet aquatique, le monstre marin, tapi au fond de son lagon, imite les mouvements gracieux de la belle qui fait innocemment trempette dans son joli maillot de bain blanc. La musique d’Hans J. Slater et les cadrages en caméra subjective de cette séquence inspireront Steven Spielberg lorsqu’il s’attellera vingt ans plus tard aux Dents de la mer.

Même si Bud Westmore, alors à la tête du département maquillages spéciaux d’Universal, s’octroya la paternité de cette étrange créature, il faut savoir qu’elle fut le fruit du travail d’une solide équipe de sculpteurs et de designers, notamment de la talentueuse Millicent Patrick. Cette dernière imagina en effet le look définitif du monstre, s’inspirant entre autres du « Moine des Mers », une bête marine apparaissant sur une vieille gravure du 17ème siècle. A la demande de Jack Arnold, la présence des branchies fut accentuée sur la tête du monstre, ce qui lui valut son surnom de « Gill Man » (« l’homme aux branchies »). Interprétée tour à tour par Ricou Browning (sous l’eau) et Ben Chapman (à la surface), elle ne fait d’abord que de furtives apparitions, sa main palmée et griffue surgissant lentement des eaux tandis que la bande originale d’Hans J. Slater s’affole avec tonitruance. Puis elle se montre au grand jour, exhibant sa surréaliste anatomie mi-humanoïde mi-écailleuse.

Le triangle amoureux

Jack Arnold donne ici la vedette à Richard Carlson, déjà héros du Météore de la nuit, pilier d’un petit groupe de comédiens très convaincants. Le scénario s’enrichit d’une rivalité amoureuse marquée entre David et Mark, autour de la belle Kay par ailleurs courtisée par la créature, ce qui fait beaucoup pour une seule femme. Entièrement reconstitué en Floride (pour les extérieurs) et aux studios Universal (pour les intérieurs), le décor du lagon amazonien est criant de vérité et lugubre à souhait. Sorti en pleine vogue des films en trois dimensions, L’Étrange créature du lac noir bénéficia à l’époque d’une imposante campagne publicitaire, clamant haut et fort qu’il s’agissait du premier film en relief avec des séquences sous-marines.

 

© Gilles Penso

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