SISTERS (2006)

Un remake du Sœurs de sang de Brian de Palma dans lequel Lou Doillon reprend le rôle tenu jadis par Margot Kidder

SISTERS

2006 – USA

Réalisé par Douglas Buck

Avec Chloé Sevigny, Lou Doillon, Stephen Rea, Alistair Abell, J.R. Bourne, Serge Houde, Dallas Roberts, Ross Viner

THEMA DOUBLES

C’est pour asseoir sa carrière de cinéaste, brillamment entamée avec Family Portrait, que Douglas Buck accepte de réaliser le remake de Sœurs de sang à la demande du producteur Edward S. Pressman. Soucieux d’injecter son propre style et d’évacuer l’esthétique du film initial, un peu trop artificielle à son goût, Buck débarrasse de ses oripeaux hitchcockiens le récit imaginé par Brian de Palma. Pour autant, il ne s’écarte que fort peu de la trame d’origine, dont il demeure étonnamment respectueux. Sisters raconte donc l’enquête menée par la journaliste Grace Collier (Chloé Sevigny) après qu’elle ait assisté à l’assassinat d’un homme depuis sa fenêtre. L’appartement où s’est déroulé le drame est habité par la Française Angélique Turner (Lou Doillon), ex-femme du mystérieux docteur Lacan (Stephen Rea) qui dirige la clinique Zurvan. Or Angélique a une sœur jumelle, Annabelle, qui semble posséder un caractère beaucoup plus instable.

Les écarts entre le scénario de Buck et celui de De Palma sont finalement minimes : la journaliste n’est plus témoin du meurtre chez elle mais au cours de ses investigations dans un appartement de Lacan qu’elle soupçonne de traitements psychanalytiques expérimentaux sur des enfants ; le meurtre est vu à la fois à travers la fenêtre et sur un écran d’ordinateur relié à des caméras de surveillance ; la victime des sœurs jumelles n’est plus un inconnu rencontré dans un jeu télévisé mais un médecin bénévole qui officie dans la clinique de Lacan ; le détective privé a été remplacé par un collègue reporter et ex-petit ami… Ces modifications étant légères, le scénario initial – écrit à quatre mains par Brian de Palma et Louisa Rose – est bien moins transfiguré que ce qu’on aurait pu croire. Même le fameux cauchemar surréaliste dans l’institut psychiatrique est étonnamment fidèle à son modèle.

La quête de l'enfance volée

Là où Buck s’éloigne de De Palma, c’est dans la description des fêlures de son personnage principal, autrement dit Grace Collier (le film de 1973 partageait plus équitablement le rôle du protagoniste entre la journaliste et la sœur jumelle). Traumatisée dans sa prime jeunesse, sur le fil du rasoir, elle cache sous son apparent endurcissement une grande fragilité. Cette quête inavouée de féminité refoulée et d’enfance volée prépare en douceur un dénouement pour le moins inattendu, seule véritable entorse au premier Sœurs de sang. Toutefois, le revirement psychologique qu’implique une telle chute manque singulièrement de crédibilité et laisse un peu perplexe. Influencé par David Cronenberg et Ingmar Bergman, plus porté sur la métaphore que sur le réalisme pur et dur, Buck met en scène un duo d’actrices peu banal. Après le désistement d’Asia Argento, Lou Doillon campe une Angélique au déséquilibre immédiatement décelable (l’apparente ingénuité qu’exhalait jadis Margot Kidder s’est ici en grande partie évaporée) et Chloé Sevigny est ici le parfait archétype du garçon manqué assoiffé d’indépendance. Plus intimiste, plus lent et plus cru que son modèle (la scène de sexe ne manque pas de verdeur), Sisters n’a pas vraiment convaincu les distributeurs, atterrissant du coup directement dans les bacs à DVD sans passer par la case grand écran.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article