AMER (2009)

Une œuvre expérimentale qui déclare sa flamme aux giallos italiens en offrant aux spectateurs une expérience sensorielle surprenante

AMER

2009 – FRANCE / BELGIQUE

Réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani

Avec Cassandra Forêt, Charlotte Eugène Guibeaud , Marie Bos, Delphine Brual, Harry Cleven, Bianca Maria d’Amato

THEMA TUEURS

Le magnifique poster d’Amer, œuvre du dessinateur Gilles Vranckx, et les propos des réalisateurs Hélène Cattet et Bruno Forzani, s’attaquant là à leur premier long-métrage, nous laissaient espérer un bel hommage au giallo, ce fameux courant filmique italien des années 60/70 qui mixait l’enquête policière et l’horreur graphique avec une touche de surréalisme et d’érotisme. Notre déception n’en est que plus grande. Car si les auteurs de cette co-production franco-belge semblent connaître sur le bout des doigts l’œuvre de Mario Bava et Dario Argento, leur réinterprétation du genre laisse songeur. A vrai dire, Amer (pourtant récipiendaires de nombreux prix internationaux) ressemble bien plus à un exercice de style expérimental qu’à un film de fiction, tant il s’évertue à effacer toute dramaturgie, tout dialogue et toute intrigue au profit d’une approche purement sensorielle des états d’âme de son héroïne. Celle-ci, Ana, nous est présentée à trois âges clefs de sa vie. Enfant, elle est effrayée dans la grande villa familiale. Il faut dire que le corps de son grand-père décédé, les ébats violents de ses parents et le comportement inquiétant de sa vieille nounou ont de quoi faire vagabonder son imagination fébrile… Adolescente, elle s’éveille au désir charnel, troublée par les présences masculines rôdant dans son village… Adulte, elle revient sur les lieux de son enfance pour affronter ses propres démons…

La plupart des giallos transcendaient leur intrigue – souvent très classique – par des décalages violents et surprenants. Effets de mise en scène déconcertants, design sonore insolite, direction artistique baroque, autant de bizarreries empreintes de poésie engendrant des morceaux d’anthologie inscrits dans toutes les mémoires cinéphiliques. Or dans Amer, Hélène Cattet et Bruno Forzani ont décidé de ne conserver que les étrangetés sans s’encombrer de structure narrative digne de ce nom. Du coup, le contraste n’existe plus et la dynamique du récit s’annihile. Face à cet enchaînement ininterrompu de très gros plans, d’effets sonores oppressants et de cadrages biscornus, l’intérêt du spectateur s’attise dans un premier temps, puis s’étiole en cours de métrage et finit par se muer en profond ennui.

Fétichisme et déviances

Alors certes, le fétichisme du cuir inhérent aux giallos est ici omniprésent, l’érotisme déviant est de la partie, et une scène de meurtre à l’arme blanche plutôt éprouvante nous est livrée en prime vers la fin du film. Est-ce suffisant pour nous captiver ? Loin s’en faut. D’autant que les choix musicaux du film, pour leur part, cèdent à la facilité. Au lieu de demander à un compositeur de réinterpréter à sa manière les célèbres bandes originales de l’époque, Cattet et Forzani se sont contentés de les réutiliser tels quels, compilant des extraits directement empruntés à Bruno Nicolaï, Stelvio Cipriani et Ennio Morricone. En attendant que les jeunes duettistes mettent leur sensibilité au service d’une véritable histoire, avec des personnages, des enjeux et des rebondissements, mieux vaut se replonger dans Six femmes pour l’assassin, L’Oiseau au plumage de cristal ou Les Frissons de l’angoisse dont les moments de grâce fulgurants n’empêchaient pas une construction dramatique solide, bien au contraire.

 

© Gilles Penso

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