CARRIE LA VENGEANCE (2013)

Un remake du classique de Brian de Palma qui n'arrive pas à la cheville de son modèle et accumule les mauvais choix artistiques

CARRIE

2013 – USA

Réalisé par Kimberly Peirce 

Avec Chloë Grace Moretz, Julianne Moore, Judy Greer, Portia Doubleday, Alex Russell, Gabriella Wilde, Ansel Elgort, Zoë Belkin

THEMA POUVOIRS PARANORMAUXSAGA STEPHEN KING

Après la séquelle de Kate Shea et la version télévisée de David Carson, le Carrie, de Brian de Palma avait-il vraiment besoin d’un nouveau remake ? La réponse aurait pu être affirmative si un cinéaste au style marqué s’était emparé du roman de Stephen King pour le doter d’une vision nouvelle et inattendue. Hélas, il n’en est rien. La réalisatrice Kimberly Peirce et le scénariste Roberto Aguirre-Sacasa se contentent d’imiter le chef d’œuvre de De Palma sans chercher à le transcender ou à puiser d’autres éléments narratifs dans le texte original, livrant ainsi un remake scolaire qui n’arrive jamais à la cheville de son modèle. Carrie la Vengeance démarre par l’accouchement de Margaret White (Juliane Moore), seule dans son lit, hurlant et se tordant de douleur, hésitant à tuer son bébé, puis le gardant finalement. Après le générique, Carrie est devenue une lycéenne (Chloé Grace Moretz, ex-Hit Girl de Kick-Ass). Avec sa jolie petite frimousse, la jeune comédienne a bien du mal à passer derrière Sissi Spacek et Angela Bettis, malgré l’air ahuri qu’elle adopte pour signifier son asociabilité. Juliane Moore elle-même, d’habitude si talentueuse, surjoue le fanatisme religieux jusqu’à l’excès, perdant toute crédibilité en quelques secondes. Les automutilations régulières qu’elle s’inflige, au lieu de susciter l’empathie du spectateur, créent au contraire une distance dans la mesure où le réalisme du personnage ne cesse de s’émousser.

Et c’est bien là que réside le problème de Carrie la Vengeance : une absence totale de subtilité et de retenue. Quand il s’agit de montrer les pouvoirs de Carrie, par exemple, toute sa chambre s’agite comme dans L’Exorciste ou Poltergeist, le lit et des dizaines de livres voltigeant allègrement dans les airs. La jeune fille maîtrise d’ailleurs si vite ses pouvoirs qu’elle semble échappée d’un épisode de la saga X-Men. D’un simple geste de la main désinvolte, elle ouvre et ferme les portes, actionne une machine à coudre à distance ou allume la radio. Il est par ailleurs frappant de constater que les changements de mœurs interdisent désormais de montrer une nudité que Brian de Palma filmait avec ingénuité en 1976. Une telle liberté semble désormais interdite à Hollywood, miroir factice d’une réalité aseptisée où les filles font l’amour en soutien-gorge pour ne pas choquer le public.

Quand le spectaculaire se substitue à la dramaturgie

Au cours du climax tant attendu, la réalisatrice ne sait tellement pas comment filmer la chute du seau de sang qu’elle monte successivement la scène sous trois angles différents, comme s’il s’agissait d’une cascade de voiture au ralenti. Elle annihile du même coup le potentiel du passage le plus dramatique du film. Après cette séquence, les dernières bribes de crédibilité du récit se rompent. La vengeance de Carrie ne ressemble plus à un acte impulsif mais à une revanche délibérée. Elle sourit même en provoquant la catastrophe du lycée, puis prend tout son temps pour retourner comme une crêpe la voiture du jeune couple qui l’a trahie. Voilà donc un remake sans audace, sans point de vue, sans innovation, pour lequel même le talentueux compositeur Marco Beltrami assure le service minimum, pas plus convaincu que le reste de l’équipe de l’intérêt d’un tel film.

 

© Gilles Penso 

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