DANS TON SOMMEIL (2009)

Anne Parillaud incarne une femme meurtrie confrontée à un tueur psychopathe au visage désespérément humain

DANS TON SOMMEIL

2009 – FRANCE

Réalisé par Caroline et Eric du Potet

Avec Anne Parillaud, Arthur Dupont, Thierry Frémont, Jean-Hugues Anglade

THEMA TUEURS

Dans ton sommeil commence par un clin d’œil que les cinéphiles apprécieront probablement. Anne Parillaud et Jean-Hugues Anglade reforment en effet le couple qu’ils interprétaient vingt ans plus tôt dans le mythique Nikita de Luc Besson. Mais cette fois-ci, le ton a changé. Oubliée l’idylle glamour entre une tueuse et un caissier sur fond de scènes d’action explosives. Les deux comédiens, en demi-mesure, incarnent ici deux époux tranquillement installés dans la campagne profonde, s’efforçant de renouer le dialogue avec un fils en pleine crise d’adolescence. Lorsque ce dernier meurt brutalement sous ses yeux, Sarah (Anne Parillaud) devient l’ombre d’elle-même. Leur couple n’y survit pas, et notre héroïne erre comme une âme en peine dans les couloirs de l’hôpital où elle travaille comme infirmière. Une nuit, sa voiture percute Arthur (Arthur Dupont), un adolescent qui a sensiblement le même âge que son défunt fils. Alors qu’elle l’emmène chez elle pour le soigner, ils sont pris en chasse par un mystérieux tueur (Thierry Frémont) qui semble prêt à tout pour les massacrer…

Il faut avouer que Dans ton sommeil part avec un sérieux handicap. La réalisation sans éclat et le jeu très approximatif des comédiens nous laissent en effet imaginer le pire, comme si les réalisateurs duettistes peinaient à mettre en forme leur sujet avec la rigueur et la maîtrise nécessaires. Peu convaincus par la teneur de l’intrigue à cause de ces sérieuses carences formelles, nous sommes brutalement secoués par une véritable claque narrative qui remet tout en question et dote aussitôt le film d’un vif intérêt que nous n’espérions plus. Car au bout d’un quart de métrage, un coup de théâtre imprévu fait rebondir l’intrigue avec l’effet d’un électrochoc. Ce que nous pensions comprendre n’est qu’apparence, et le manque de conviction et de cohérence de certains personnages s’explique soudain. Non content de bouleverser le fil du scénario, ce « twist » s’avère extrêmement violent, sur le fond comme sur la forme, et met nos nerfs à rude épreuve. Lorsque le film reprend son cours après cette sanglante parenthèse, le spectateur se prépare au pire et le film prend une tout autre dimension.

Une pulsion incontrôlable

« Il me semble très important de parrainer ce type de film, parce que c’est le cinéma de demain », affirme Anne Parillaud, dont l’implication dans le film a permis son montage financier. « Il faut absolument ouvrir l’éventail et laisser de la place à ces jeunes metteurs en scène qui ont des choses à dire et qui sont prometteurs. Si des acteurs confirmés ne participent pas à ces œuvres-là, nous risquons de passer à côté de quelque chose. Ce serait dommage. Accompagner les premiers pas de réalisateurs, partager leur innocence et leur virginité, ce sont des moments très forts. » (1) Certes, de nombreuses maladresses probablement imputables à la jeune expérience de Caroline et Eric du Potet continuent à amenuiser l’efficacité du récit, mais il faut reconnaître que Dans ton sommeil ne manque pas d’impact et sait osciller de façon troublante entre le drame intimiste, le thriller et le film d’horreur. La froideur des crimes évoque par moment le Michael Haneke de Funny Games, si ce n’est que le tueur n’appréhende jamais ici ses exactions comme un divertissement. Il s’agit d’une pulsion incontrôlable, motivée par de sérieuses carences émotionnelles qui nous renvoient – toutes proportions gardées bien sûr – au psychopathe du Sixième sens de Michael Mann. Dans ton sommeil est très largement perfectible et risque d’en agacer plus d’un à cause du manque de naturel de la plupart de ses dialogues, mais il présente le mérite d’évacuer toute facilité et de trotter longtemps dans la tête des spectateurs après son image finale, dont la poésie macabre n’est pas sans rappeler « Le dormeur du val » d’Arthur Rimbaud.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en janvier 2009

 

© Gilles Penso

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