DESTINATION LUNE (1950)

Produite par George Pal et tirée d'un récit de Robert Heinlein, cette aventure spatiale joue la carte de l'hyper-réalisme

DESTINATION MOON

1950 – USA

Réalisé par Irving Pichel

Avec John Archer, Warner Anderson, Tom Powers, Dick Wesson, Erin O’Brien-Moore, Everett Glass, Ted Warde   

THEMA SPACE OPERA

L’influence de l’auteur de science-fiction Robert Heinlein sur l’imaginaire collectif est considérable, au point que de nombreuses membres la NASA avouent avoir opté pour une filière scientifique après avoir lu les romans pour adolescents qu’il écrivit entre 1947 et 1958. C’est justement l’un de ces récits d’aventure spatiale qui servit d’inspiration à Destination Lune, et dont Heinlein lui-même signa l’adaptation avec Alford Van Ronkel et James O’Hanlon. Réalisé par Irving Pichel (qui s’était distingué en co-réalisant  Les Chasses du Comte Zaroff) et produit par George Pal (futur spécialiste de la SF à grand spectacle), Destination Lune se distingue par son approche ultra-réaliste, la plupart des spécialistes le considérant comme le premier long-métrage de « hard science ». Sous les conseils techniques de l’aéronaute allemand Hermann Oberth, le film annonce avec presque vingt ans d’avance le premier voyage habité vers notre satellite. Les scènes d’apesanteur, les combinaisons des astronautes et même le drapeau américain planté sur le sol rocailleux s’avèrent étonnamment prophétiques.

Nous sommes au début des années cinquante, et la première fusée américaine est lancée après quatre ans de recherches et de travail acharné. Mais l’opération est un fiasco et l’engin se crashe dès son décollage. Le gouvernement US refuse d’en rester là. En pleine tension Est-Ouest, la conquête spatiale est un enjeu politique trop important. Le général Thayer demande donc au professeur Cargraves de superviser la construction d’une nouvelle fusée à propulsion nucléaire en partance pour la Lune. Pour financer un tel chantier, de grands industriels du secteur privé sont sollicités. L’opinion publique salue l’élan patriotique, mais s’affole des risques potentiels de contamination radioactive. La mise en pratique du projet n’est donc pas une partie de plaisir, mais c’est lorsque les quatre astronautes s’élancent enfin vers la Lune que les vrais dangers commencent… 

« This is the end of the beginning »

Destination Lune aurait pu n’être qu’une espèce de docu-fiction un peu rébarbative et glaciale, mais le scénario sait éviter cet écueil, alignant les séquences de suspense haletantes (le sauvetage à flanc d’astronef, les ultimes rebondissements à la surface de la Lune) et sollicitant même Woody Woodpeker le temps d’un dessin animé ludique racontant aux financiers de l’expédition – et surtout aux spectateurs – le fonctionnement de la fusée (une idée que Steven Spielberg recyclera pour expliquer le principe du clonage dans Jurassic Park). Le film est servi par des effets spéciaux remarquables supervisés par Lee Zavitz, maître d’œuvre des trucages d’Autant en Emporte le Vent. Maquettes, pyrotechnie, peintures, animation, tous les moyens sont bons pour porter à l’écran cette épique odyssée lunaire. Zavitz remportera l’Oscar des effets spéciaux, Hergé s’inspirera largement du film pour concevoir le diptyque « Objectif Lune » et « On a Marché sur la Lune », et Stanley Kubrick lui-même s’appuiera sur la voie ouverte par George Pal et Irving Pichel pour concrétiser 2001 l’Odyssée de l’Espace. C’est dire l’importance de ce space opera hyperréaliste qui s’achève sur les mots suivants : « This is the End of the Beginning ».

 

© Gilles Penso

Partagez cet article