DOLLS, LES POUPEES (1986)

L'équipe de Re-Animator et From Beyond nous offre un conte macabre dans lequel des poupées vengeresses prennent vie

DOLLS

1986 – USA

Réalisé par Stuart Gordon

Avec Ian Patrick Williams, Carolyn Purdy-Gordon, Carrie Lorraine, Guy Rolfe, Hilary Mason, Bunty Bailey, Cassie Stuart

THEMA JOUETS I SAGA CHARLES BAND

Produit par Charles Band et tourné en Italie, dans les studios que ce dernier a fait construire sur un site ayant appartenu avant lui au mogul Dino de Laurentiis, Dolls marque le retour du réalisateur Stuart Gordon sur les écrans après une adaptation marquante de Lovecraft, le fameux Re-Animator. Gordon était censé enchaîner avec From Beyond, mais Band, qui a toujours eu le sens de l’optimisation, se dit qu’il serait intéressant de tourner un petit film d’horreur sur le même décor que celui prévu pour cette seconde adaptation de Lovecraft, afin de faire des économies d’échelles. C’est à contrecœur que Gordon s’attaque d’abord à Dolls, lui qui est alors obnubilé par From Beyond. Mais il se prête finalement au jeu avec enthousiasme. Ici, le scénario est réduit à son strict minimum. David et Rosemary Bower (Ian Patrick Williams et Carolyn Purdy-Gordon, l’épouse du réalisateur), ainsi que leur petite fille Judy (Carrie Lorraine), partent en week-end. Quelque peu malmenée par sa belle-mère autoritaire, la fillette, très imaginative, rêve à des solutions extrêmes pour écourter un séjour qui s’annonce pénible (ce qui nous vaut la vision onirique d’un ours monstrueux dévorant la marâtre irascible). En pleine campagne, un terrible orage les immobilise. 

La voiture étant embourbée, nos protagonistes se réfugient dans une antique demeure habitée par deux charmants vieillards, Gabriel et Hilary Hartwicke (Guy Rolfe et Hilary Mason). Ceux-ci les accueillent et leur offrent à manger. D’autres visiteurs égarés les rejoignent bientôt : Ralph Morris (Stephen Lee), un gaillard sympathique, ainsi qu’Enid (Cassie Stuart) et Isabel (Bunty Bailey), deux jeunes filles aux manières assez déplaisantes. La maison regorge de poupées fabriquées par leurs hôtes. Elles sont conçues avec amour, indifférentes aux modes d’aujourd’hui. Et surtout, chaque modèle est unique. La nuit finit par tomber. Sans scrupule, Enid et Isabel décident de dérober les objets anciens qui parsèment la maison. Mais les poupées veillent… Le récit suit une trame relativement sommaire, mais l’originalité du concept de base et la qualité de sa mise en scène suffisent à faire fonctionner le film.

Poésie surréaliste et horreur macabre

Les poupées elles-mêmes, conçues par John K. Brunner, sont extrêmement expressives. A tel point que même lorsqu’elles sont parfaitement immobiles, elles distillent tout de même une certaine angoisse. Surtout lorsqu’on découvre que sous la porcelaine se cachent de petits crânes humains et des organes vivants… Les effets spéciaux mécaniques de Giancarlo del Brocco sont la plupart du temps mis à contribution pour donner vie aux jouets. Mais dès que les poupées marchent en plan large, courent ou sautent, c’est l’animation image par image qui prend le relais, sans qu’un problème de raccord ne soit flagrant entre les deux techniques.  « Pour marier l’animation et les plans tournés en direct, je me suis efforcé de créer une série d’effets de flous de mouvement lors des actions les plus violentes et les plus rapides », raconte l’animateur David Allen. « C’était la première fois que je faisais vraiment ça. » (1) Certains plans d’animation, comme celui où les poupées discutent entre elles pour décider du sort des deux personnages principaux, exhalent une certaine poésie et évoquent entre autres les Puppetoons de George Pal. D’autres séquences donnent dans l’horreur graphique, comme lorsqu’une des victimes humaines se métamorphose douloureusement en poupée aux allures de joker, grâce aux maquillages spéciaux de John Buechler. Du coup, Dolls est un film hybride. Trop sanglant pour un conte adressé aux enfants, trop gentil pour les amateurs de gore pur, il passa à côté de son public, faute de ne pouvoir le cibler avec précision. Mais Stuart Gordon gardera toujours une certaine tendresse pour ce film, prélude au tournage complexe de From Beyond.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1998.

 

© Gilles Penso

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