DOROTHY (2008)

Qu'est-il arrivé à la jeune Dorothy Mills ? Pourquoi a-t-elle tenté d'assassiner le bébé dont elle avait la garde ?

DOROTHY MILLS

2008 – FRANCE

Réalisé par Agnès Merlet

Avec Carice Van Houten, Jenn Murray, Gary Lewis, David Wilmot, Ger Ryan, David Ganly

THEMA FANTÔMES

Le Village des damnésThe Wicker ManLes Innocents… Lorsqu’Agnès Merlet cite ses sources d’inspiration, on ne peut s’empêcher de partager son enthousiasme. Mais se mesurer à de tels chefs d’œuvre est un pari risqué, et tel n’est pas l’objectif de la cinéaste. « J’ai commencé mes démarches en me documentant sur des faits réels, comme si j’allais m’attaquer à un documentaire », explique-t-elle. « Petit à petit, le récit s’est fictionné, jusqu’à intégrer des éléments surnaturels. » (1) Carice Van Houten (Black Book) incarne Jane Morton, une psychiatre bouleversée par la mort accidentelle de son jeune garçon. Pour exorciser ce drame, elle décide de mener l’enquête sur Dorothy Mills, une adolescente vivant sur une petite île au large de l’Irlande qui est accusée d’avoir tenté d’assassiner un bébé dont elle avait la garde.

Échappant de peu à un accident de voiture qui manque de lui coûter la vie, Jane est escortée jusque dans une auberge vétuste par le shérif du coin. Sur place, l’accueil est glacial. Les insulaires voient en effet d’un très mauvais œil cette citadine venue déterrer un passé qu’ils aimeraient bien continuer d’oublier. Lorsqu’elle rencontre enfin Dorothy, Jane découvre une jeune fille fragile et terrorisée par des démons intérieurs. Ses accès brutaux de colère et ses sautes d’humeur violentes laissent imaginer un cas de possession. Mais Jane met bientôt à jour l’origine des troubles de Dorothy : elle est atteinte du syndrome de la personnalité multiple. Dans son esprit cohabitent ainsi une demi-douzaine d’individus aussi dissemblables que complémentaires. Le cas est spectaculaire, mais pas hors de portée d’un traitement médical approprié. Jusqu’à ce que Jane découvre l’impensable : la plupart des êtres qui parlent à travers Dorothy sont des fantômes, prêts à tout pour mettre à jour un lourd secret et révéler la cause inavouable de leur mort…

Les dérives du fanatisme religieux

Évitant tout manichéisme trop prononcé et contournant habilement les codes de la traditionnelle « ghost story », Agnès Merlet brosse le portrait peu reluisant d’une micro-société coupée du reste du monde et aveuglée par sa bigoterie. Dorothy agissant comme un révélateur, le rôle du monstre qu’on lui attribue bien hâtivement s’inverse bientôt. « Il me semblait qu’un tel sujet ne pouvait fonctionner que s’il était ancré dans une réalité », raconte la réalisatrice. « Le film commence comme un thriller psychologique, puis des éléments étranges viennent petit à petit s’insérer dans la narration, jusqu’au basculement dans le fantastique. » (2) La réussite du film est le résultat d’une heureuse alchimie et d’une parfaite combinaison de talents. La mise en scène libre et naturaliste (caméra à l’épaule, décors réels, lumière simple, absence d’effets spéciaux) favorise une approche réaliste et crédible, tandis que le scénario millimétré imbrique une à une les pièces du puzzle, combinant le présent et le passé, les vivants et les morts, jusqu’à un ultime coup de théâtre aussi surprenant qu’émouvant. Quant au casting, il est tout simplement prodigieux. Carice Van Houten est un parfait pôle d’identification, alliant la grâce et la sensibilité tout au long du métrage, et Jenn Murray, pourtant actrice débutante, s’avère époustouflante dans le rôle complexe d’une adolescente tiraillée par des caractères contraires.

(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2008  

 

© Gilles Penso

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