LA COMTESSE (2009)

Des deux côtés de la caméra, Julie Delpy réinvente la tristement célèbre comtesse Bathory adepte de toilettes sanglantes

THE COUNTESS

2009 – ALLEMAGNE / FRANCE

Réalisé par Julie Delpy

Avec Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt, Anamaria Marinca, Sebastian Blomberg, Charly Hübner, Anna Maria Mühe

THEMA VAMPIRES

Les mœurs dépravées et les exactions sanglantes de la comtesse Bathory, figure prédominante de l’aristocratie hongroise du seizième siècle, ont alimenté moult débats et inspiré bien des œuvres littéraires et cinématographiques. Mais qui était réellement Erzsébet Bathory ? Un vampire se baignant dans le sang de centaines de vierges pour goûter aux joies de la jeunesse éternelle, ou une femme de pouvoir victime d’une machination visant à faire vaciller son règne et spolier sa fortune ? Nul ne le saura vraiment puisque, comme l’explique la voix off introduisant La Comtesse, « l’histoire est écrite par les vainqueurs ». Or la fière aristocrate perdit ses droits et sa vie à l’issue d’un procès historique, laissant à ses ennemis le loisir de la décrire sous des traits forcément désavantageux. C’est à ce personnage ambigu et passionnant que Julie Delpy a décidé de s’attacher pour son second long-métrage en tant que réalisatrice, trois ans après la comédie romantique Two Days in Paris. « S’attacher » est le terme approprié, car si la cruauté, la froideur et la folie d’Erzsébet Bathory nous sont ici exposées sans fard, le scénario laisse aussi une part belle à ses failles, ses faiblesses, ses frustrations et ses tourments.

La Comtesse est d’ailleurs une histoire d’amour tragique, l’aristocrate s’amourachant d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle, Istvan Thurzo (Daniel Brühl). Or le père du jeune homme (William Hurt) brise cette union et provoque la lente descente aux enfers de la comtesse. Cette dernière est désormais obsédée par le rajeunissement. Après avoir battu une de ses servantes, elle se persuade que la projection du sang de la malheureuse sur son visage efface ses rides. Dès lors, elle fait saigner toutes les vierges qui sont à sa portée pour s’appliquer quotidiennement de macabres crèmes de soin… Le sang des vierges permet-il réellement à la comtesse de rajeunir ? Sur ce point, le film se prononce ouvertement : il s’agit d’une affabulation née d’une déception amoureuse ayant tourné à la folie. En ce qui concerne la véracité des méfaits sanglants d’Erzsébet, chacun sera libre d’y croire ou de préférer la théorie du complot, moins « romantique » mais probablement plus crédible.

La femme-orchestre

Véritable femme-orchestre, Julie Delpy porte son film à bout de bras, incarnant avec intensité le rôle-titre, assurant elle-même la mise en scène, l’écriture du scénario mais aussi la composition d’une bande originale tour à tour teintée d’inquiétude, de menace et de tristesse. Quelques faiblesses altèrent un peu l’impact de La Comtesse, notamment une voix-off souvent redondante et une narration un tantinet linéaire. Mais la facture impeccable du film, la crudité des séquences sanglantes, le réalisme de la reconstitution historique et la justesse des comédiens en font l’un des meilleurs « biopics » consacrés à Erzsébet Bathory. « J’apprécie autant les comédies que les films de Mario Bava et Georges Franju, les films dits “de genre“ mais aussi les drames », explique la réalisatrice. « Je n’avais pas envie de me cantonner à un seul style de film. La Comtesse tient autant du drame grec que du film d’horreur, avec quelques éléments épiques et romantiques. » (1)

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2010

 

© Gilles Penso

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