LA MOUCHE NOIRE (1958)

Un savant qui a découvert le moyen de téléporter la matière organique décide d'être son propre cobaye. Mais une mouche met son grain de sel dans l'expérience…

THE FLY

1958 – USA

Réalisé par Kurt Neumann

Avec David Hedison, Vincent Price, Patricia Owens,Herbert Marshall, Kathleen Freeman, Betty Lou Gerson, Charles Herbert

THEMA INSECTES ET INVERTÉBRÉS I SAGA LA MOUCHE

C’était la fin des années 50, une époque ô combien imaginative où romanciers et scénaristes de science-fiction débordaient d’idées démentielles et donnaient parfois naissance à des joyaux comme L’Homme qui rétrécit, Le Voyage fantastique, ou encore cette inoubliable Mouche noire, adaptant une histoire de George Langelaan publiée en juin 1957 dans Playboy. Hélène Delambre est accusée d’avoir assassiné son époux, le scientifique André Delambre, retrouvé écrasé sous une presse hydraulique. Elle confie son étrange histoire à François, le frère d’André, et à l’inspecteur Charas. Selon elle, André lui avait fait part de ses brillantes recherches, tournant autour de la désintégration d’un objet puis de sa réintégration sous sa forme primitive. Le récit de La Mouche noire est donc partiellement bâti autour d’un flash-back, selon une narration un peu inhabituelle. La première expérience de Delambre sur un chat échoue. Puis il réussit le transfert d’un rongeur, et sert finalement lui-même de cobaye. Mais au cours de l’essai, une mouche s’introduit avec lui dans l’appareil. Le résultat est tragique : André a désormais une tête de mouche et une serre à la place de sa main gauche. Quant à la mouche, sa tête et l’une de ses pattes sont à présent celles du professeur.

Vincent Price, dans le rôle du frère de la victime, accablé mais tout en retenue, annonce les personnages d’Edgar Poe qu’il incarnera peu après pour Roger Corman. David Hedison lui-même, d’habitude assez fade et peu expressif, trouve ici l’un de ses meilleurs rôles, sous la défroque de ce savant sain d’esprit et équilibré se laissant peu à peu tenter par le jeu de l’apprenti-sorcier. La technologie révolutionnaire qui sert de pierre angulaire au scénario, c’est-à-dire la téléportation, allait devoir attendre près d’une décennie, avec la série Star Trek, pour être à nouveau exploitée narrativement avec succès. La première expérience de Delambre sur un être vivant a des conséquences désastreuses, mais au lieu d’opter pour un résultat sanglant, le réalisateur a choisi une angoisse plus subtile : le chat cobaye disparaît, mais son miaulement distordu continue à hanter le laboratoire.

« Aidez-moi ! »

Le potentiel d’épouvante du film va croissant, malgré l’aspect peu convaincant de l’homme à tête de mouche (son maquillage dû à ben Nye étant cependant dissimulé la plupart du temps sous une serviette). Cela dit, la première apparition du monstre à visage découvert a beaucoup d’impact, grâce aux hurlements de Patricia Owens et à un procédé astucieux permettant d’adopter le point de vue subjectif de la mouche, l’actrice s’époumonant en un étrange plan multi-facettes. Mais en matière de terreur viscérale, c’est assurément le dénouement qui atteint des sommets propres à glacer le sang, même plusieurs décennies plus tard. La vision terrifiante de cette mouche à tête humaine qui hurle « aidez-moi ! », prisonnière dans une immense toile tandis qu’une hideuse araignée s’approche inexorablement d’elle pour la dévorer, hantera longtemps les cinéphiles les plus endurcis. Le réalisateur Kurt Neumann décéda quelques mois à peine après avoir terminé le film, lequel s’érigea dès sa sortie en gigantesque succès pour la 20th Century Fox.

 

© Gilles Penso

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