LES HORIZONS PERDUS (1937)

Frank Capra nous invite à un voyage initiatique et exotique dans une cité perdue qui semble avoir percé le secret de l'immortalité

THE LOST HORIZON

1937 – USA

Réalisé par Frank Capra

Avec Ronald Colman, Jane Wyatt, Edward Everett Horton, John Howard, Thomas Mitchell, Margo, Isabel Jewell, Sam Jaffe 

THEMA EXOTISME FANTASTIQUE

Quels que soient les genres cinématographiques abordés, Frank Capra s’est toujours servi des films comme véhicules de ses prises de position humanistes et utopiques. Avec Les Horizons Perdus, il s’attaquait à l’adaptation d’un roman de James Hilton, délaissant les comédies douces-amères auxquelles il était généralement associé pour se plonger dans une aventure exotique et mystérieuse fortement teintée de fantastique. Alter-ego glamour du cinéaste, Robert Conway (Edward Everett Horton) est un officier britannique chargé de faire évacuer de la ville de Baskul quatre-vingt-dix ressortissants occidentaux. C’est au cœur d’une Chine secouée par la révolution que s’ouvre donc le film, en un prologue frénétique situé en mars 1935, empli de cris et de fureur et scandé par une partition tonitruante de Dimitri Tiomkin. Le dernier avion fuyant la foule paniquée et les incendies à répétition embarque Conway et quatre passagers : Lovett, un paléontologue tout fier d’avoir découvert une vertèbre de mégathérium, Gloria Stone, une jeune femme aigrie et condamnée par la médecine, Charmers Bryant, un industriel ruiné, et George, le frère impulsif et fougueux de Conway. Bientôt, nos cinq passagers découvrent qu’un mystérieux Chinois a pris les commandes de l’avion.

A l’issue d’un voyage interminable et fort oppressant au-dessus du désert et des montagnes, l’avion finit par s’écraser dans la neige. Tous s’en sortent à l’exception du pilote clandestin. Le mystère reste donc entier. Et lorsque des autochtones secourent nos naufragés pour leur proposer le refuge de leur lamaserie, chacun finit par se demander si tout ceci n’était pas prévu d’avance. Au sein du vénérable palais de Shangri-La érigé à 3000 pieds au-dessus de la vallée, Conway et ses compagnons découvrent une véritable oasis à l’abri de l’hiver et des tempêtes grâce aux montagnes qui le protègent. Ayant rejeté tout modernisme et tous modes de communications, le lieu est entouré de mystère. Les gens y vivent à l’abri du crime, de l’avarice et de la jalousie, car le manque est une notion qui leur est étrangère. L’argent non plus n’a pas droit de cité, le troc étant en vigueur et la vallée regorgeant d’or.

Atemporel et pacifiste

On retrouve là les élans idéalistes du réalisateur de la Vie est Belle, décrivant un monde heureux, loin d’une civilisation frénétique vouée à l’autodestruction où l’on se « tue au travail » et où l’on « meurt de chagrin ». La camarde semble d’ailleurs ne jamais pénétrer l’enceinte de Shangri-La, comme si ses habitants avaient percé le secret de l’immortalité. C’est en tout cas ce que laisse imaginer à nos héros le grand lama, un ancien prêtre belge nommé Perrault qui aurait fondé cette communauté en 1713… Séduit par la philosophie locale et amoureux de la belle et mystérieuse Sondra, Conway est tenté de finir ses jours dans ce monde féerique. Mais y aurait-il vraiment sa place ? N’a-t-il pas un rôle à jouer dans son propre monde ? C’est sur ce dilemme que s’articule la dernière partie des Horizons Perdus, un film décidément atemporel dont le message pacifiste est d’autant plus fort qu’il sortit sur les écrans deux ans avant la seconde guerre mondiale.

 

© Gilles Penso

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