LES RIVIERES POURPRES (2000)

Matthieu Kassovitz adapte Jean-Christophe Grangé et plonge le duo Vincent Cassel / Jean Réno au cœur d'une affaire sordide

LES RIVIÈRES POURPRES

2000 – FRANCE

Réalisé par Matthieu Kassovitz

Avec Vincent Cassel, Jean Réno, Nadia Farès, Dominique Sanda, Karim Belkhadra, Jean-Pierre Cassel, Didier Flamand

THEMA TUEURS

Malgré la déception procurée par Assassin(s), un essai sur la violence particulièrement erratique, confus et maladroit, on attendait beaucoup de cette adaptation par Mathieu Kassovitz du best-seller de Jean-Christophe Grangé. Les prémisses des Rivières pourpres laissent planer tous les espoirs, car le réalisateur de La Haine empoigne son spectateur dès le troublant générique. Tandis que l’inspecteur de police Pierre Niemans enquête sur un meurtre atroce perpétré dans une école perchée au sommet d’une montagne, son jeune collègue Max Kerkerian est dépêché sur le terrain suite à la profanation de la tombe d’une jeune fille par un groupe de skinheads. Les deux affaires semblant liées par d’étranges points communs, les deux hommes joignent leur force, tandis que les sanglants assassinats se succèdent…

Kassovitz parvient à effrayer son spectateur plus que de raison en créant des ambiances de terreur sourde très maîtrisées. Mais en ce qui concerne la rigueur du scénario, c’est une autre histoire. « L’univers des Rivières pourpres m’a tout de suite séduit, mais je suis incapable de vous en raconter l’intrigue ! », nous avoue le compositeur Bruno Coulais. « Dans ce cas précis, j’ai conçu la musique comme une espèce de venin tapi derrière l’image. » D’où notamment d’inquiétantes nappes musicales structurées autour de comptines de boîtes à musique. « A mon sens, ce qui vient de l’enfance et que l’on rattache habituellement à l’innocence peut créer un sentiment dérangeant au cinéma », poursuit Coulais. « Je préfère faire peur avec des boîtes à musique qu’avec des violons stridents. J’adore la partition de Psychose, mais tout le monde l’a imitée, et maintenant elle est galvaudée. Pour faire peur aux spectateurs, j’essaie plutôt de les émouvoir à fleur de peau. » (1)

Des soupapes de réalisme

L’atmosphère d’épouvante est donc la véritable réussite du film, mais la confusion croissante dans laquelle s’empêtre le récit est un véritable handicap pour son efficacité, d’autant qu’un sentiment de déjà-vu s’immisce assez fortement dès les premières séquences. Car ces meurtres brutaux et méthodiques, ce duo de flics aux méthodes divergentes qui piétine sur une enquête en forme de point d’interrogation, ces scènes d’autopsie éprouvantes et cette chasse au tueur sous la pluie battante nous rappellent plus que de raison Seven. Et malgré tout son talent, face à David Fincher, Kassovitz ne fait pas le poids. D’autant que sa direction d’acteurs manque singulièrement de rigueur. Le trio Jean Réno/Vincent Cassel/Nadia Farès donne trop souvent la sensation de réciter son texte sans trop y croire, et la crédibilité du film en prend un sacré coup. Dommage, car en de trop fugitifs instants, de petites improvisations des comédiens nous offrent des soupapes de réalisme et de naturel très rafraichissantes. Quant au final, franchement grotesque, il sacrifie aux règles hollywoodiennes du climax spectaculaire à défaut de résoudre correctement toutes les intrigues nouées au cours du récit. Kassovitz lui-même semble n’y croire qu’à moitié, puisqu’il s’amuse à tourner une séquence d’affrontement entre Cassel et des skinheads, savoureuse et pleine d’humour, mais parfaitement hors sujet. Une espèce de court-métrage autonome intégrée dans un film définitivement trop fouillis pour convaincre.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2001 

© Gilles Penso

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