THE TROLL HUNTER (2010)

Le cinéaste Andre Ovredal détourne la mode du "found footage" pour filmer des monstres géants dans les montagnes norvégiennes

THE TROLL HUNTER

2010 – NORVEGE

Réalisé par Andre Ovredal

Avec Otto Jespersen, Glenn Erland Tosterud, Tomas Alf Laresen, Johanna Mørck 

THEMA DIABLE ET DEMONS

Lorsque The Troll Hunter démarre, le spectateur sent bien qu’il arpente un terrain bien connu, celui du « faux reportage » à la manière de Blair Witch. Un carton introductif nous apprend que 283 heures d’images vidéo au contenu incroyable viennent d’être retrouvées et authentifiées par des experts, et que nous nous apprêtons à découvrir un montage condensé de ces images. Ainsi faisons-nous la connaissance d’un trio d’étudiants en journalisme enquêtant sur une série d’attaques attribuées à des ours. Un mystérieux braconnier revient dans toutes les conversations, et nos trois larrons finissent par retrouver la trace de cet homme bourru réfugié dans une caravane délabrée et répondant au prénom de Hans. L’homme refuse toute interview, mais les journalistes sont opiniâtres et finissent par le suivre lors d’une de ses énigmatiques virées nocturnes au cœur d’une forêt. Ce qu’ils découvrent dépasse toutes leurs attentes : Hans n’est pas un braconnier mais un employé du gouvernement chargé d’éliminer discrètement les trolls qui hantent les forêts norvégiennes !

The Troll Hunter se révèle alors sous sa véritable forme : un film de monstres géants à l’ancienne. L’apparition du premier troll – un colosse de quinze mètres de haut qui arbore trois têtes grimaçantes et arrache les arbres comme des fétus de paille – nous renvoie illico à King Kong et au bestiaire de Ray Harryhausen. Mais deux composantes modernisent résolument cette imagerie ancrée dans le cinéma fantastique d’antan : la caméra portée, qui s’affole bien sûr dès que les choses tournent mal et dope chaque séquence d’action d’une dose d’adrénaline fort bienvenue ; et l’humour omniprésent, empêchant le film de frôler le ridicule pour mieux assumer l’aspect surréaliste de son scénario. Le véritable exploit de The Troll Hunter est finalement d’aller au bout de son concept. Contrairement à un Cloverfield, par exemple, les monstres sont ici exposés sur toute la latitude de l’écran, au sein de plans délicieusement iconiques qu’on croirait parfois issus de couvertures de pulps de science-fiction, voire de livres de contes pour enfants. Car le réalisateur ne se cache jamais derrière le prétexte de la caméra amateur pour économiser les effets spéciaux et cacher ses créatures. Rien de plus logique finalement : si un cameraman apercevait un monstre haut comme un immeuble, s’efforcerait-il de le filmer le plus soigneusement possible ou agiterait-il frénétiquement sa caméra ? 

Petit budget mais grands effets

« Nous avons beaucoup discuté de ces fameux trolls, de leur apparence, de leur taille, de leur comportement », explique le comédien Glenn Erland Tosterud. « Une fois les situations mises en place, nous devions construire la peur à partir de rien. Dans ces cas-là, l’imagination devient l’outil le plus précieux du comédien. Pour avoir une idée plus précise de la hauteur des monstres, l’équipe technique utilisait parfois des poteaux au sommet desquels étaient marqués des repères. Nous pouvions donc tous regarder ensemble dans une direction précise. Pour le reste, l’improvisation était souvent le maître mot. » (1) Conçus par l’illustrateur norvégien Theodore Kittelsen, les nombreux trolls qui crèvent régulièrement l’écran ont tous été réalisés en image de synthèse par des artistes locaux qui prouvent ici leur indiscutable savoir-faire artistique et technique. Certaines séquences rivalisent sans peine avec les moments les plus mémorables de la trilogie Jurassic Park, notamment lorsque nos héros passent en voiture sous les pattes d’un colosse velu qui cherche à prendre la fuite dans les montagnes enneigées, ou lorsque le chasseur de trolls affronte une créature titanesque sur un pont de fortune. Quand on pense que l’intégralité du film a été produite pour un budget équivalent à trois millions de dollars, on ne peut qu’admirer de tels excès cinégéniques.


(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011. 

© Gilles Penso

Partagez cet article