KING KONG (1933)

Une relecture monumentale du mythe de la Belle et la Bête conçue par des cinéastes spécialisés jusqu'alors dans le documentaire animalier

KING KONG

1933 – USA

Réalisé par Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper

Avec Fay Wray, Robert Armstrong, Bruce Cabot, Frank Reicher, Noble Johnson, Sam Hardy, Steve Clemento

THEMA SINGES I DINOSAURES I SAGA KING KONG

Fruit de l’imagination fertile du producteur Merian C. Cooper, spécialisé dans les documentaires animaliers depuis le milieu des années 20, King Kong est devenu l’une des icônes les plus marquantes du 7ème Art, tous genres confondus. Le film met en scène le cinéaste Carl Denham (Robert Armstrong) qui débarque avec son équipe sur l’île du Crâne. Fascinés par la chevelure blonde d’Ann (Fay Wray), l’actrice engagée par Denham, les insulaires l’enlèvent et l’offrent en sacrifice au dieu Kong, un gorille géant. Pour sauver la belle, l’équipe de Denham part à la poursuite du monstre dans une jungle hostile peuplée de dinosaures, le capture et le ramène à New York pour l’exhiber sous le nom de « La Huitième Merveille du Monde ». Mais le soir de la première, Kong s’échappe et emmène Ann au sommet de l’Empire State Building…

Pour apprécier pleinement King Kong, il faut  le replacer dans son contexte historique : la grande dépression économique de 1933. Dans les dix premières minutes du film (absentes de la version française), nous voyons une société ravagée par la crise, les bas-fonds d’une ville, la misère et la déchéance. Dans la dernière partie, cette crise est symbolisée par un monstre destructeur qui s’abat sur la société. Le début est réaliste, la fin métaphorique. Entre ces deux parties, les séquences de l’île du Crâne ressemblent à un rêve, à un cauchemar. Dans cette jungle mythique, le ciel est constamment traversé par d’étranges reptiles volants et des créatures antédiluviennes ne cessent de surgir des buissons. Anthropophage, violent, hargneux, le gorille géant attire pourtant la sympathie, et lorsqu’il tombe du haut de l’Empire State Building, on ne peut s’empêcher d’écraser une petite larme. Les aviateurs qui abattent Kong sont d’ailleurs interprétés par les deux réalisateurs du film !

Un gigantesque tour de magie

La beauté de cette monstrueuse histoire d’amour est transcendée par un noir et blanc quasi-expressionniste, de magnifiques décors influencés par Gustave Doré et une partition wagnérienne signée Max Steiner. A l’origine, Cooper envisageait d’utiliser un vrai gorille et de l’emmener sur l’île de Komodo pour le filmer face à un varan. Mais la crise économique du début des années 30 empêcha une telle expédition. Finalement, c’est le magicien des effets spéciaux Willis O’Brien qui donna corps à Kong, en utilisant la technique alors balbutiante de l’animation image par image et en s’entourant d’une équipe d’artistes talentueux. Dans le film, le monstre velu est ainsi interprété par six figurines de 45 centimètres de haut manipulées dans des décors miniatures. Si, pour le spectateur d’aujourd’hui, les mouvements du gorille semblent saccadés et tremblotants, celui de 1933, lui, fut abasourdi par un spectacle alors révolutionnaire. King Kong ressemble ainsi à un gigantesque tour de magie réalisé par une extraordinaire équipe d’illusionnistes. Contrairement à ses contemporains Dracula et FrankensteinKing Kong ne repose ni sur une œuvre littéraire classique, ni sur le prestige de son réalisateur et de ses comédiens. C’est donc la force primaire de son récit, cette « puissance obscure du désir » (pour reprendre les termes de la scénariste Ruth Rose), superbe transfiguration du motif de la Belle et la Bête, qui lui vaut sa renommée et son statut indiscuté de chef d’œuvre atemporel.

 

© Gilles Penso

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