LE MASQUE DU DEMON (1960)

Le premier et sans doute le plus beau des films de Mario Bava, qui consacra Barbara Steele reine de l'épouvante

LA MASCHERA DEL DEMONIO

1960 – ITALIE

Réalisé par Mario Bava

Avec Barbara Steele, John Richardson, Andrea Checchi, Ivo Garrani, Arturo Dominici, Enrico Olivieri

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Après avoir souvent secondé d’autres réalisateurs, le directeur de la photographie Mario Bava s’apprête au tout début des années soixante à réaliser son premier long-métrage avec Le Masque du démon, pour lequel il n’a pas encore trouvé son actrice principale. Or la compagnie Galatea Film, pour laquelle il travaille à l’époque, s’apprête à coproduire avec 20th Century Fox une épopée biblique pour laquelle Bava doit signer les images. Le studio américain a donc fait circuler à son partenaire italien des photographies d’actrices susceptibles d’apparaître dans le film. Parmi elles se trouve Barbara Steele, dont le charme particulier intéresse beaucoup Mario Bava. Ravie de cette opportunité, la comédienne ne prend même pas le temps de lire le scénario. Elle fait ses bagages et part pour l’Italie à la rencontre du cinéaste. La barrière de la langue l’inquiète un peu et le cinéma d’épouvante n’est pas spécialement sa tasse de thé, mais elle accepte de tenir la vedette du film qui – elle ne le sait pas encore – fera d’elle une star internationale. Le Masque du démon s’inspire très librement de la nouvelle « Viy » de Nicolas Gogol. Au 18ème siècle, la princesse Asa est condamnée pour sorcellerie. Les bourreaux la tuent avec le masque du démon, à l’intérieur duquel se dressent des pointes qui lui transpercent le visage. Deux siècles plus tard, son cadavre putréfié retrouve la vie grâce à des gouttes de sang. Elle utilise alors Vavuvitch (Arturo Dominici), son serviteur vampire, afin de prendre la place de la princesse Katia…

En assumant le double rôle de réalisateur et de directeur de la photographie, Bava parvient à doter Le Masque du démon d’une mise en forme somptueuse, chaque plan témoignant de son perfectionnisme. La magnifique photographie noir et blanc joue sur les ombres, les lumières, les contrastes et les clairs/obscurs, au sein de décors extrêmement photogéniques. Plusieurs passages horrifiques assez saisissants ponctuent le film, en particulier la terrible scène du prologue, avec le masque hérissé de pointes planté à coup de masse sur le visage de la sorcière (une vue subjective menaçant même le spectateur de subir lui-même le supplice !), la mise à nu du visage d’Asa, dont les orbites vides sont habitées par de petits scorpions, ou encore la résurrection spectaculaire de son compagnon, aux allures de zombie masqué. Bava aura le bon goût de refuser d’affubler ses acteurs de dents de vampire, contre l’avis de la production. Ces attributs peuvent cependant être aperçus sur certaines photos publicitaires de l’époque.

Ange et démon

La double prestation de Barbara Steele dans Le Masque du démon, à la fois innocente Katia et maléfique Asa, synthétise les deux postures ambivalentes de la femme dans l’épouvante classique (la victime et le bourreau) mais aussi dans une imagerie judéo-chrétienne volontiers manichéenne (la vierge et la tentatrice). Il faut bien sûr saluer le flair de Mario Bava, qui sut trouver chez la belle Barbara l’incarnation idéale de cette dualité. Le cinéaste estimait à l’époque, avec une touchante modestie, que ses talents de metteur en scène, surestimés à son goût, se limitaient simplement à ses connaissances dans la photographie, son expérience des effets spéciaux et sa capacité à créer des atmosphères particulières. Au vu du Masque du démon, force est de constater que la simple juxtaposition de ces spécialités n’eut pas suffi. De toute évidence, Bava eut le génie de les combiner en une extraordinaire alchimie, qu’il retrouvera ensuite à maintes occasions (Six femmes pour l’assassin, Les Trois visages de la peur, Hercule contre les vampires), mais rarement avec la même intensité. La qualité du film est d’autant plus remarquable que le tournage ne fut pas une partie de plaisir et que l’entente entre le réalisateur et son actrice principale ne fut pas toujours simple. Barbara Steele reconnaîtra plus tard que son manque d’expérience, sa confiance limitée dans les capacités de Mario Bava et ses difficultés avec la langue italienne n’en firent pas une actrice facile à diriger. Mais face au film, tout le monde s’accorde à dire que la rencontre Bava/Steele fut providentielle. Deux talents écloraient en même temps, se nourrissant l’un l’autre pour mieux s’épanouir et redynamiser un cinéma gothique alors encore ancré dans les figures de style des années 50. Avec Le Masque du démon, Mario Bava devenait l’un des cinéastes phares de l’épouvante, et Barbara Steele se muait en égérie du genre, destinée à marquer définitivement les mémoires dans des rôles reprenant souvent à leur compte la dualité ambigüe de la perverse sorcière Asa et de l’innocente princesse Katia.

 

© Gilles Penso

 

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